1. Le moi,
La vie est difficile pour moi...
Comme pour tant d'autres bien sûr,
mais pourquoi toujours les autres ?
Les autres bien sûr, pourquoi pas ?
Mais aussi moi,
non tellement les autres...
que moi :
non tantum, sed etiam...
Pas toujours les autres,
moi aussi...
Non tellement les autres...
que moi :
Non, les autres pas tellement,
mais moi...
Non les autres pas trop encore,
mais moi au contraire, tellement...
Les autres, on le dit bien sûr,
mais les autres, c'est des "on dit"
alors que c'est tellement, moi,
tellement vrai,
que tantum-quantum :
pour combien d'autres... moi ?
Pour quel quota d'autres... moi ?
Pour quelle quantité d'autres... moi ?
Non, pas les autres,
pas du tout,
que moi ! :
les autres, c'est tellement des "on dit",
c'est tellement quantité négligeable
par rapport à moi,
Les autres,
ça s'en fout de moi
alors que moi,
est-ce que je m'en fous des autres ?
Et puis les autres,
ça vit sa vie,
c'est affranchi de moi,
C'est pas seul :
non solum, sed etiam... !
C'est pas seul, les autres,
puisque c'est pas avec moi,
pas du tout !
Est-ce que moi je m'en fous des autres ?
Pas du tout.
Alors non,
pas du tout les autres,
seulement moi,
non seulement les autres,
mais aussi moi...
Non, pas les autres,
que moi,
non que les
autres,
mais moi...
Et puis les autres, non solum
alors que moi, seulement etiam,
seulement aussi,
moi solum, moi seul,
au sol, moi seul.
(c'est bizarre comme il n'y a que moi qui ai mal
quand je dis que j'ai mal à mon moi !)
Les autres, c'est tout des racontars,
Mais c'est un fait que moi...
Les autres peut-être, bien sûr,
mais moi, c'est attesté, pas affecté,
c'est factuel,
c'est sûr,
moi c'est certain,
je le dis,
moi, c'est pas du cinéma
alors que les autres, ça se dit, ça se montre,
les autres, c'est des monstres,
c'est des monstres d'égoïsme
qui ne pensent jamais à moi,
sauf quand ça les chante :
"Tiens, ça me chante,
je vais téléphoner à ce moi,
car j'aime bien sa musique,
il est apaisant,
ça fait du bien de l'entendre
et de parler de soi avec lui !"
Sur les autres, ça se dit,
ça se raconte,
mais est-ce qu'on sait ?
Et puis, ce qu'on sait sur les autres,
est-ce que ça se raconte ?
Non, ce qu'on sait sur les autres,
ça ne se dit pas.
Parler sur les autres,
ça ne se fait pas :
pas autant les autres...
Que moi,
pas seulement les autres...
Mais moi.
Non seulement eux,
mais mois aussi,
moi d'abord,
moi surtout,
moi sur tout,
moi par-dessus tout,
moi parce que, par-dessus tout,
je m'intéresse aux autres,
moi qui m'intéresse aux autres,
qui m'entremêle, qui m'entremets,
qui m'entremets, qui m'entremêle,
qui mélange leurs couleurs de vie,
moi qui entre-est,
qui m'interpose,
qui interviens,
moi de l'intérieur de qui tout se voit,
en qui tout joue sa synthèse,
non que je sache ou sente tout,
mais tout se joue en moi,
tout passe par moi,
tout me traverse par-dessus les naufrages,
non que je m'intéresse à tout,
mais je respire...
non que je ne m'intéresse qu'à moi,
à moi particulièrement,
à moi par-dessus tout,
et que je prenne les autres par-dessus la jambe
pour les jeter à la mer
parce qu'ils ne sont qu'au bord de moi,
mais je suis source de tout pour moi,
de tout ce qui se passe et que j'apprends en moi,
et que je prends pour moi ;
tout ce qui vit passe par moi,
à travers moi,
je déforme tout qui se comprime en moi,
mais ne m'imprime rien qui ne passe par moi,
zone franche et où l'on entre sans droit,
non que je ne caresse que moi...
Mais...
Non que je ne regarde que moi
même si après tout, les autres,
ça ne me regarde pas
et que se mêler de ce qui ne nous regarde pas,
cela ne se fait pas...
Mais...
Non que je sois égoïste
et ne tienne qu'à moi,
et ne tienne comme Pascal le moi, cet iste, pour haïssable...
Mais moi, pascal,
moi qui suis passage,
moi qui suis de passage,
moi, je l'avoue,
je suis narcissique
à défaut d'être égoïste
et encours à la bourse des sentiments cette critique
que je ne mesure le cours
de rien que je ne fasse partir de moi,
non que je m'intéresse à moi...
Mais je m'entretiens,
car on n'est jamais mieux servi que par soi-même
pour trouver un interlocuteur ;
je m'entretiens de ce qui est
et j'entre-est...
Moi à quoi rien n'est si contraire que le non-être,
moi à-quoi, source et non but...
Non...
Mais...
NON...
Sed...
Latinisme et balancement
en vertu de quoi rien n'est
que par rapport à la proposition contraire,
non que le non-être ne soit que le contraire de l'être,
car certes, il n'y a pas du tout
de non-être dans l'être :
Il n'y a dans le non-être
qu'une manière de cerner apophatiquement
la définition humaine
qui, quand elle se rapporte à l'homme,
embrasse
aussi les femmes... :
..."Non mais oh !
Ca devient trivial,
ça devient graveleux,
ça devient gras,
Le niveau baisse,
tout fout le quand."
C'est la trivialité de ce qui s'entremêle,
de ce qui s'interrompt pour se lire à plusieurs niveaux,
de ce qui mélange les niveaux,
de ce qui se met au niveau,
de ce qui s'intéresse et...
Se suce :
"Non... mais hé... ?"
"Hé ho, ho hé, Roméo, saint-Charles de Boromée,
pas de ça devant les enfants !"
Et puis quoi ?
"Tous ensemble, tous ensemble, ho, ho !"
Mais pour quoi faire et quoi derrière, hé, hein ?
Manifestation sans appel d'un appel à l'aide
et
puis c'est tout,
et puis c'est rien,
que la répercussion du non-sens sous le préau des collectifs :
"Monde solidaire,
notre vie est un grand chantier... !"
Moi, par un juste retour des choses, faisant retour sur moi, moi pour
vous,
parce que j'ai le respect du lecteur
et que le respect du lecteur
est une valeur déontologique...
Non...
Mais...
Moi qui n'en peux mais,
mais... que tout concerne,
que tout consterne,
moi qui n'en peux mais,
Mais... qui veux tout
(tout, c'est un peu trop),
tout endurer, tout supporter
pour tout soulager,
moi qui n'en peux mais,
mais... Sainte Thérèse de l'enfant Jésus non plus,
patronne des missions,
moi qui n'en peux mais,
mais... qui ai ma volonté de puissance à moi,
à moi qui n'en peux mais,
mais... qui ne suis pas double,
mais multiple,
sur qui tout dribble, rebondit,
en qui tout se rétracte et se multiplie à l'envi,
qui envie tout et ai envie de tout,
moi qui n'en peux mais
et qui Dieu sait ne suis coupable de rien,
mais... me sens responsable de tout
et réponds de tout
parce que respondere,
c'est ne jamais être absent,
moi sur qui tout pèse
et qui veux peser sur tout
parce que pondere,
ce n'est pas être modéré,
c'est avoir la gloire
ou au moins sa part ;
moi qui veux peser sur tout
parce que pieux, j'ai pitié de tout,
parce que j'aime tout,
moi qui n'en peux mais,
qui n'y peux rien,
mais qui veux tout pouvoir
pour tout bouleverser
et peser sur tout
pour tout apaiser,
moi qui recherche, franchement, ma propre zone de paix
bien que je ne croie pas à la vertu dynamique
de
la paix couarde,
moi qui suis le destinataire prédestiné
de
la totalité de la fatalité,
moi que tout a attiré à terre,
mais qui la tête en l'air
cherche du regard
l'horizon qui m'échappe comme un point,
qui m'échappe à moi,
le rescapé qui réchapperai,
moi qui cours après l'horizon
et qui plus je vais,
plus elle me fuit
comme les promesses,
parce que moi, le traversé,
je n'ai pas rendez-vous,
ou alors dans un autre après,
dans un autre moment,
peut-être un moment parfait,
qui m'enfantera
pour autre chose que pour moi-même,
moment-maman d'autre chose que de moi-même,
ou de moi, mais pour autre chose
que
pour que je m'aime,
moi qui en ce moment...
en ce moment où j'écris,
en ce moment où je suis,
suis traversé par le tout fractionné,
suis divisé,
c'est-à-dire multiplié par l'inverse de l'autre,
ce
second moi ;
m'entremêle,
m'emmêle,
entre-est,
essaie,
si peu que ce soit que d'un moi,
d'aller du moi au toi,
du moi au soi,
du moi à l'en soi,
du moi à l'on de choix,
du
moi à l'on de soie,
du moi à la soie de l'on,
à la soie de la relation,
à la soie de la religion,
à la religion de la soie,
à la religion de la foi,
à la religion de la foi dans l'autre,
à la religion de la foi dans le Tout Autre,
soit la foi dans le Tout Autre,
soit au moins la foi dans l'autre,
soit à la foi la fois dan l'autre
et
la foi dans le Tout Autre ;
à la religion de la foi
dans Celui Que je ne connais pas
en soi,
Que je ne connais pas en dehors de moi,
Que je ne connais pas
comme je crois me connaître
ou comme je suis connu en soi
(ou crois l'être)
de Celui d'où je procède,
moi qui, d'où je parle,
regarde dans le miroir de l'énigme
et pose en original
la question qui ne l'est pas :
de la fatalité,
de la causalité fatale,
de l'enchaînement des circonstances,
de la duplicité dans la causalité
par où ce qui est cause de ma volonté
est aussi cause de sa fatalité,
de la duplicité d'un moi qui se tutoie
et qui s'il est double
et s'il se dédouble,
est habité par un ennemi qui le rudoie,
est en guerre contre lui-même,
contre quelqu'un,
se fait violence,
sépare,
est en lutte à mort en soi,
moi qui m'ennuie de la paix,
moi qui dis merde à la guerre,
moi qui m'arrache à tout ça,
à tout ça qui parle en moi,
à tout ça qui tant me brûle,
à tout ça qui tangue,
à tout ça qui tend,
à tout qui Satan...
Moi qui tendu
en tout endroit
ne sais où tourner mes pas
pour marcher à l'endroit,
ne sais où tourner mes pas
pour choisir
ou pour me convertir,
ni si choisir m'échoit,
et si je n'ai pas chu si bas
que je ne puis si peu
que choisir ou me retourner,
que je ne puis si peu,
moi qui sui descendance,
moi qui descends
vers quel instant,
vers quel instance,
vers quel Etant,
vers quel étang où se noie le moi qui tangue,
vers quelle enfance avec ses mots d'enfant
et ses "pourquois...
C'est toujours moi,
mais pourquoi moi... ?"
2. L'autre,
Il y a tant d'êtres
qu'on ne sait par où commencer.
Ils ouvrent tant de
chemins,
il y a tant à commenter
qu'il faut se choisir un
ami
à qui pouvoir s'identifier
ou bien encore un amour
en qui pouvoir disparaître.
Mais il y aura des
frictions,
car nous n'avons pas les mêmes douleurs,
nous ne sommes pas affligés
au même point,
au même endroit,
nous avons les différends de nos différences.
Des courants alternatifs
nous relient, puis court-circuitent
nos plus belles relations,
aventures d'affection.
Nous sommes trop composites
pour ne pas être seuls
et la Solitude, voilà
l'Epreuve.
Nous n'en sortons que par
moments de Grâce
où ce qui déborde en nous,
ce sont des sentiments qui
nous dépassent.
Il ne nous reste qu'à
essayer
de vouloir malgré les érosions
et de faire de chaque
journée
une tension de chaque instant
vers l'émotion de perfection,
à moins de sangler une carapace
et de combattre sans merci
avec la force de l'Autre
en marchant à la mort
dans une sceptique indifférence,
Les autres existent apparemment.
Julien WEINZAEPFLEN