samedi 17 avril 2010

ALLIANCE

Ma bouteille s'est inclinée
Puis lentement reposée
Sur ma table entre deux rainures,
Sémillante et soulagée
De pouvoir se délasser
Libre entre deux échancrures.

Une douce moiteur caresse son corps effilé
Tandis qu'elle étourdit, halée,
Ma tête qui voudrait rattacher
Le vague de ses idées
Pour en emmailloter le flottement nonchalant
Qui semble barboter en ce tranquille instant
Avec un plaisir impertinent, adolescent.

Ne pourrait-il pas songer aux rêves qui se morfondent
cependant que, frétillant, se déhanchant,
il esquisse une inconsciente, une improbable ronde ?
Ma tête est une huile grasse que ne peut enduire l'onde,
Insensible à sa caresse vagabonde,
Insoumise à son errance rubiconde.

Le vin que je bois à longs traits
Se rappelle avoir été du sang de terre
Et m'assure, en glissant lentement dans mon tuyau étroit
Qui le pousse avec une méfiance amère
Dans mon gosier d'effroi,
qu'il faut s'être coulé en terre
Pour devenir tige d'éternité.

Ma cigarette est le soleil.
Il me grille et je le fume
En voleur de feu qui se consume
De ne pouvoir contenir dans un coup de crayon
Le mouvement perpétuel de ses rayons.


Je voudrais enduire leur fuite d'essence langagière
Et me désole de ne pas être une bouteille de vent
Et que matête prise ne se répande qu'en huile
Inhabile
A faire éclater la Création
En un feu d'artifice, luminaire explosion,
Tout juste bonne à engraisser le tourbillon.

Je relâche ma tension
Et suis surpris de me mirer dans le tranquille flottement
qui, looin d'être nonchalant,
Se dévoile en ce moment
Comme l'écoute du Mystère.

Rien n'envahit plus mon esprit
Que la légéreté du bruit flûté
De la source jasarde où nage le flottement,
Inventeur d'une mystique sans désert,
D'une mystique à ras de terre
Envolée vers le firmament
Où s'impatiente son attente.

C'est alors que je te regarde
Et pour la première fois je te Vois,
ô ma bien-aimée, ma compagne,
Ma princesse, mon autre moi !

C'est alors que je te regarde :
Tu étais à côté de moi,
Mais la superbe qui me darde
M'avait séparé de toi.

Je m'étais assis à ma table,
Je fumais, je buvais la tasse,
Je voulais jouir en notable,
Trapu vautré qui se prélasse.

Possédé, j'étais dans l'impasse
De croire qu'on possède la Grâce,
Mais la Grâce m'a fait souvenir
De ta beauté, de ton sourire.

Dans ce baiser où je t'enlasse,
Sans un mot je voudrais te dire
Qu'à la pureté de ta trace,
A tenter de t'appartenir,
A rechercher par où tu passes,
Je vais consacrer l'avenir.

Du moins je creuserai l'audace
De me donner à en mourir :
Je ne suis qu'un sillon fugace,
Mais je vais apprendre ton rire !

Julien Weinzaepflen

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