samedi 17 avril 2010

LE PYROMANE

Ecrire, c'est cracher du feu
Et, avec de blanches dents,
Préparer courageusement
Des écueils à ses descendants.

C'est tirer ses marrons du feu
En prenant ses distances à temps
Et en sachant sortir du rang
Des criminels, ces décadents.

C'est croire et jouer avec le feu
Et badiner avec le sang
Des autres en stigmatisant
Les torts sacrés des puissants.

Ecrire, c'est tirer du jeu
Son épingle en épinglant,
Par un fouet de mots cinglants,
Les trafiquants en col blanc.

C'est surtout se prendre au jeu
Des mots qui, en se frottant,
attisent chez les manants,
La haine des gouvernants.

C'est défaire ses propres noeuds,
Se libérer en soulevant
Le poids qui étreint, éprend,
Nos coeurs minés tout en dedans.

C'est vouloir vitalement
Exister en persistant,
Résister en insistant
Sur son poids déterminant.

Et c'est se prendre au sérieux,
Relever qu'on est vivant,
Oublier en libérant
Les mots qu'ils font ordonner : "feu".

On ne croit pas ça sérieux,
Ecrire à contre-courant :
Juste un acte étincelant
Qui crève parfois l'écran .

Puis on se tire quand le feu
Que l'on a allumé prend
Et que lave notre volcan
Les pelées verrues, les gueux.

Puis on revient, sentencieux,
Constater les dégâts, quand
Tout est éteint, qu'on es sans
Risque de nouveau coup de sang.

On revient sans feu ni lieu
Sur son crime évidemment,
Dégager tranquillement
Des lois nos aveux exceptant.

On est là, pompier honteux,
Devant le sinistre en sang
Qui transit étrangement
Les blés aux cendres des champs.

On désavoue de ses yeux
Nos coups d'éclat d'encres en grand
Qui sont nées en crépitant
de nos bouillonnements creux.

"Ecrire, c'était donc sérieux,
Et étinceler méchant ?"
Et Brasilhac tout suppliant
De demander grâce, l'Innocent !

Ecrire en délateur conscient
De toute suite à nos élans
d'homme au foyer qui n'a que
La sociodistraction du feu.

Au point de croix de mon feu,
Ne sachant faire autrement,
J'écris, priant, trop heureux,
Qu'on m'absolve absolument
Ou qu'on m'accorde indulgence
si je prête à conséquence.

Ma plume ne fait qu'un jeu de paumes
et le destin de ma pomme
N'est terroriste que parce que
J'ai trop de pépins, nom de dieu !

Julien Weinzaepflen

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