mercredi 3 novembre 2010

Destin-sur-terre

A Yann Guirec

Paris, 15 janvier 2002

Qu'est-ce que le Destin ? Ce mot rime plus que richement avec Festin. Sur la forme, il y ressemble trait pour trait, comme une goutte d'eau pourrait-on dire, si le destin était plus fluide. Mais l'avenir nous bénit-il comme l'eau et le destin est-il transparent comme cette franche partie de rigolade où certes, on boit peu d'eau bénite et dont on sort avec la gueule de bois ? "Entre l'amour et l'amitié, il n'y a qu'un lit de différence !", Entre le Destin et le Festin, il n'y a qu'une lettre, mais quelle lettre :



le F, la lettre de la Fête différent du D, la lettre de Dieu.



Le D, le doit de l'Idéal semblant platoniquement mettre un terme à la folie de l'effervescence analgésique.



Dieu serait-Il l'antinomie de la fête et la fête serait-elle l'antidote de Dieu ?



"Que ta Volonté soit faite" et le Fils fut arrêté, et un enfant fut touché, des innocents furent massacrés moyennant quoi tout fut perdu, pour moi s'entend ou tous ceux qui comme moi ne peuvent faire leur salut que si les autres en ont leur part. Je sais, il en est venu d'autres, des pharisiens bien en chair et pavés de bonnes intentions pour commenter le carnage en menaçant : "enfer, enfer, vous irez tous en enfer parce que vous vous êtes perdus comme des femmes de petite vertu, parce que vous êtes tombés par terre comme des sans vergogne et des sans tabous. Vous croyez que ç'a de l'allure pour une société démocratique et sociale, des gens dans la rue ? Vous croyez que ç'a du charme, des exclus, jonchant les trottoirs faits pour qu'on y circule ou qu'on y tapine à la rigueur ? Tapiner, ça passe encore, c'est le plus vieux métier du monde et puis ça rend service, mais ça déclasse l'Établissement, la fracture sociale." Vous en faites pas, l'Etablissement a de la ressource et l'Inquisition fera long feu.



Comme si l'on pouvait tomber avant d'être aimé ! Or il s'est trouvé des gens à Index et à intelligence pour inventer et puis ériger en dogme indexé dans le canon que le divorce entre l'homme et Dieu et de l'homme avec lui-même a procédé de la chute humaine par non-réponse à l'Amour de Dieu. Comment l'homme aurait-il pu choir, je ne dis pas s'il avait été aimé, mais s'il l’avait au moins senti ? Et Dieu Qui fait savoir à l'homme par la bouche de Pascal Blaise que "le moi est haïssable", comment ne s'applique-t-Il pas la FORMULE en se haïssant Lui-même? Pourquoi crée-t-Il tout pour Lui, de façon que rien n’échappe, ni n'ait de sensoù Il n’est pas ?



A ceux qui te disent que le malheur était ton destin, mon ami frappé par la foudre, il faut répondre : "allez vous faire foutre !"



Heureusement Dieu n'a rien créé pour Lui ! La chute de l'homme ne le précipite dans aucun enfer et la terre a dit non avant l'homme au plan de la nature. La catastrophe naturelle a précédé l'accident transgressif, la terre a dit non à la nature et l'homme s'en est trouvé tout dénaturé, dépouillé, à poil et sans plumes, avec de la concupiscence au bout du sexe.



Revoyez votre théologie, messieurs les grands inquisiteurs à barbe blanche et sage, les pâles copistes recherchant sans liberté dans un manuel de patristique la vérité à l'état brut, les grands vieillards écumant de rage sscolastiques sur votre vie ennuyeuse à mourir de bonheur et d'autosuggestion, les mathématiciens de Dieu emmaillotés dans vos soutanes amidonnées par une blanchisseuse qui sait cacher la transpiration sous la raideur du linge sec : vos théorèmes de forts en thème auraient beau me démentir à coups de canon, la catastrophe naturelle n'en aurait pas moins précédé l'accident pécheur, et Dieu n'ordonne pas plus la destruction du pécheur que la causalité de l'accident venant couronner une destinée humaine prévue pour cette intrusion absurde. Dieu n'entre pour rien dans ce calcul de bandit qui font sauter les vocations, car Il Est Bon, moralement Bon. Ce n'est pas les vocations qu'Il fait sauter, même quand elles tournent mal, mais les contraventions. Au lieu de jucher la sainteté sur un héroïsme constipé qui se retient de crier qu'il a mal, Dieu s'identifie à celui que le destin foudroie. Celui que le destin ou que les hommes ont foudroyés, celui-là seul a FIGURE divine : il porte La Vie Eternelle derrière le deuil de son orphelinat. Pour formuler les choses en langage banal ET PLUS humain, Dieu est un Créateur assez honnête avec Sa Création pour avoir de plein droit renoncé à toute omniscience, pour n'avoir rien prévu, pour n'avoir jamais puni la chute d'aucun mortel d'une mise à mort générale et d'autant plus génocidaire que les réprouvés seraient punis pour l'éternité quand les nazis ne faisaient subir que des tortures à interruption mortelle. Dieu n'en veut pas à l'homme d'être tombé par manque d'amour, d'être tombé faute de s'être senti suffisamment aimé et inconditionnellement soutenu, d'être tombé parce que, soupesant l'amour et la béance, c'est encore celle-là qui lui a paru la plus sûre. Dans le gouffre de l'homme, coule du Sang de Dieu. L'homme se verse à boire et Dieu se fait boisson. La brèche est un point d'appui solide. L'autodestruction est apparue à l'homme comme la méthode la plus apte à l'assurer dans la descente à pic en lui-même, au bord de cette cascade géante qu'est la vie extrautérine et où la pulsion de mort lui fait prendre croix.



L'homme dont la vie a eu raison ne s'est pas laissé tomber dans la béance, il a été happé en elle. Dieu l'y a rejoint et l'a incorporé en Lui, non pour le figer dans Son Corps divin, mais pour lui offrir d'ouvrir une voie nouvelle, étrangère à ce destin tragique que l'homme a noué, a formé en lui-même, sans qu'il y ait faute de sa part, puisqu'il croyait n'être pas aimé ! Dieu sort l'homme de ce destin qui a, aux dires de ceux qui le connaisent superficiellement, si parfaitement coïncidé avec son caractère, ce caractère qui était lui-même la somme d'un patrimoine génétique et des premiers coups reçus, ces premiers coups somatisés, par un miracle à l'envers, dans le destin malheureux ouvert comme une fente à tous les coups du sort.



Clandestinement, le caractère et le destin se sont acoquinés pour faire changer l'homme de destination. Lui qui voulait être heureux, mais qui le voulait à en enfoncer les murs du malheur, il a mesuré à quoi riment les bravades, il a vu à quoi mène de brailler : "Si tu pleures, tu n'auras pas le petit pain au chocolat que tu réclames" dit la mère acariâtre à l'enfant pleurnichard au sortir de chaque boulangerie après l’école. C'est passablement arbitraire, le libre arbitre ! C'a la liberté de l'inconsistance, puisque c'est impitoyablement réprimé quand ça se révolte. « Il n’y a pas un juste devant Dieu, pas même un seul », s’écrie Saint-Paul, dans son écartèlement d’affranchi législatif qui se recherche des chaînes pour ne pas abuser de son droit au plaisir. Je ne parle pas devant la face de dieu, mais je vous demande, au contraire de l’apôtre :

Pouvez-vous me présenter un homme, un seul homme, qui n’ait fait toute sa vie durant que preuve de mauvaise volonté » ?



Chacun fait ce qu'il peut à quatre-vingt dix-huit pour-cents du temps, il me semble :



Le cent et le temps.



Le C, la lettre du Cents qui encanaille ou le S, la lettre du Sent qui doute et humanise la foidifférents du T, la lettre du Temps qui éternise, éternue la canaille et le doute, et totalise, en sorte que rien n'ait lieu, que rien ne s'actualise sans avoir de rapport immémorial avec tout le reste. On fait ce qu'on peut quand le temps éternue. mais quand on est rejoint au fond du trou par Dieu pour n'être pas figé en Lui, mais rendu à soi-même, nous trouvons plus opérant que le suicide, qui n'est que l'acquiescement à nos premiers coups, sans égards à l'amour qui a du mal à s'infiltrer en nous pour nous faire sentir que nous l'avons reçu. Soyons des hommes de la « troisième voie », de la voie du levier de la brèche !



"C'est tout ce que tu proposes comme programme, être un homme de la troisième voie, un protestant athée à la Jospin dont les discours attiédissent tout ce à propos de quoi ils annoncent qu'il va falloir prendre des mesures ? De la mesure en toute chose, la troisième voie éloigne du grand soir et apaise la lutte des classes. Prenons la tangente, l'autoroute du soleil des plages à carpettes, prenons la troisième voie ! Tu n'as pas honte ?"



"Vous n'y êtes pas. C'est une voie intérieure et vous foncez tête baissée pour encorner les poteaux télégraphiques de la politique politichienne, extérieur, médiatique et autres sornettes d'usage et dans le genre taureaux, vous donnez dans la corrida du lieu commun ! Quand vous tempêtez contre moi comme des rapporteurs qui pètent pour la bonne santédu développement durable de votre métabolisme, vous me faites peur et comme j'écoute les chansons de Fernandel, je ne vous dis plus "tu". Mais franchement, vous en sortirez-vous ? Vous réconcilierez-vous avec votre destin et saurez-vous concilier la chaleur humaine avec la paix du coeur ? Je ne veux pas m'en tirer par une pirouette, mais vous savez ce qu'il faut penser, pas moi. Alors, je vous le demande en toute humilité, à vous les tièdes qui tenez mieux l'alcool que moi : s'il vous plaît, dessinez-moi undessein, dessinez-moi un destin ! Que votre oui soit oui ! Et, puisque vous n'aimez pas ma planète que vous prenez pour une jospinière sans réverbère alors que vous vous dopez à Jean-Jacques goldmann le robinnet d’eau tiède de la chanson française qui a transformé « le p’tit cordonnier de Francis Lemarque et d’ »aux marches du palais » en un artisan banal qui a « changé la vie », rienqu’en faisant son boulot , dites-moi ce que c'est que ce truc qui vient des étoiles et qui vous marquent à vie! Dites-le moi puisque vous consultez les devineresses qui sont sûrement plus savantes que le bonDieu de l'affectivité Qui continue d'écrire Sa Bible en nous ! Dites-le moi puisque les lumières de la raison vous ont fait modérés en dépit de vous-mêmes. Répondez à l'enfant d'écriture qui se prend pour le petit « prince des poètes » parce que son corps astral est un enfant ! S'il vous plaît, c'est quoi mon destin ? Je me planque, j'ai peur de vos réponses froides et sérieuses comme la mort. Mais quand-même, mes frères les neutres : qu'est-ce que le destin ?"

Julien WEINZAEPFLEN

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