samedi 17 avril 2010

Le brin d'herbe

"A peine a-t-on cessé de vivre
Qu'on se retrouve cendre et givre (Henri Gougot).

Ce petit brin d'herbe que je n'ai pas vu
S'est dissimulé dans mon souvenir
Et m'a demandé s'il avait vécu,
ô petit brin d'herbe que j'ai fait mourir !

Mon bondissement écrasant et sûr
A piétiné sec tout ton avenir.
Je compatis à ton égratignure,
Mais tu es brindille et moi, grand visyr :

Ce brandon qui est ta progéniture,
Je dois le fouler sans plus de plaisir,
En homme de bien qui met ses chaussures
Pour domestiquer l'arbustier délire,

Délire de choix qui veut se choisir
Une condition à la démesure...
Mais le ventre las du premier soupire
Accrocha le brin à la chaîne obscure,

Cette chaîne-là qui à nous fait dire
Au petit brin d'herbe : "tout n'est pas perdu,
Je t'ai piétiné, c'était pour t'offrir
De vivre abrité dans mon coeur si nu..."

Le petit brin d'herbe esquisse un sourire
Et, ironisant, me dit : "Le crois-tu,
Que plus que moi tu sois fils d'un désir,
Que tu sois sauvé si je suis perdu ?

Pour te racheter tu voudrais bâtir
A mon effigie un buste-statue :
EN MEMOIRE UN BRIN QUE J'AI FAIT SOUFFRIR
QUE J'AI PIETINE, QUE JE N'AI PAS VU...

Et je devrais là, dans ton coeur très pur,
Trouver asile à mes déconvenues,,
Dans ton palpitant qui ferait sa sciure
En déforestant les rameaux menus."

Ma vocation s'ombre de blessure :
Je ne l'ai pas vu et je crois saisir
Que je n'ai pas fait, moi, la forfaiture
D'être fatal à ce brin de désir...

Moi que l'on convainc de péché, bien sûr,
Je ne pouvais choir avant d'être aimé
Et je ne peux ramasser les pelures
Du premier "amen" qu'on a refusé.

De moi qu'aujourd'hui, la mystique pure
Semble avoir cessé de vouloir gracier,
Qu'un grain de faiblesse abatte le mur
Et me refonde en sol de grand'pitié.

Julien Weinzaepflen

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