samedi 17 avril 2010

La tortue et le hibou

Depuis le tans qu'elle interpellait le hibou,
La tortue avait perdu l'espoir des réponses.
trafiquante de germes elle dérangeait tout
Et n'entendait rien à la rumeur des ajoncs.

Le hibou avait fait sa réputation sur le marché des sortilèges :,
Il en faisait commerce et gagnait bien sa vie,
Il se faisait passer pour oiseau-lyre et la neige
Blanchissait ses mensonges au verglas des bougies.

Les ajoncs récriminaient contre la tortue
Parce qu'ils avaient tissé de ces affinités
Auxquelles on doit respect et non pas l'impromptu
Saccage secouant leurs moeurs de se frotter.

Le hibou cependant paradait de musique,
Sa sébille emplissant d'orgueil et vanité :
On lui tressait des couronnes de "c'est fantastique",
On se battait de tous côtés pour l'inviter.

La tortue n'avaient que faire des bruits qui courent,
Elle n'entendait pas les ajoncs grommeler ;
Elle phagocitait le sous-sol des sourds
Et se torturait de cette surdité.

Le hibou quant à lui se roulait dans une paresse
Farineuse : il vivait la nuit, dormait le jour,
Il était bien nourri, recevant les caresses
De ses voisins et de tout alentours.

La nuit en était dépendante, il la courait,
S'empressant à servir à tous les cauchemards,
S'esjouissant des supplices qu'il procurait
En chouette à ses âmes damnées aux idées noires.



Mais un jour la tortue le désira si fort
Que l'arbre où nichait le hibou haleta tout vibrant.
Le hibou crut rêver et le jour de sa mort
Annoncé par un messager surgi du Vent.

Les oiseaux dérangés changèrent de musique :
Alléguant la morale, ils tinrent le hibou
Pour un voleur de nuit, tapageur anarchique
N'ayant point de pudeur, à éviter partout.

Le hibout en était à faire ses prières
Quand l'arbre qui avait tremblé le détrompa :
"Est-ce à moi à t'apprendre et faire la lumière
Sur ce qui mon écorce ébranla

du moment que ceci était de la musique
Où certes la mélodie n'a point part ?
décode,ce n'est point la mort et ses pratiques,
C'est la tortue qui enrage de t'avoir".

Il reçut la tortue et ce fut sans défense
Que le hibou prit les larmes qui fondaient sur lui.
La tortue sanglotait sur son indifférence
A n'entendre jamais quand l'appelait autrui.

Et le hibou contrit tomba sur l'injustice :
"J'ai tout à ma portée, tout sans rien désirer.
Est-ce à l'ordre du monde que l'on doit ce vice
Imputer, ou ai-je un moyen de réparer ?

Je ne veux pas qu'il y ait entre nous préférence,
Tout ici a le droit de vivre et prospérer,
Mon art n'est un hommage à la belle abondance
Que si elle est universellement partagée.

J'aime la bonne chair et même les outrances,
J'aime bien m'en jeter, j'aime bien profiter,
Mais je sens la facilité de ma conscience :
Et si pour réparer je n'avais qu'à chanter !"

Affectueusement il se mit à coucouter
Et ce son descendit jusqu'à notre tortue
Qui percevant cette onde en fut si envoûtée
Qu'elle dit aux ajoncs émue et toute mue :

"Entendez-vous comme est beau le coucou
Qui chatouille mes sens pour la première fois ?",
Mais c'est en voulant parler que tout à coup
Elle entendit plus fort que le son de sa voix

Les ajoncs courroucés fustigeant la cruelle
De les importuner réduisant leurs échanges
A n'être plus entre eux que d'impuissants appels
D'un ajonc l'autre qui, sans le secours des anges...

"Je vous ai dérangés ajoncs, pardonnez-m'en,
Je ne savais pas plus que vous existassiez
Que la couleur du ciel ou que le son que rend
Le coucou quand il a cessé de repousser.

Nous n'avons, chers ajoncs, su que nous chamailler,
Nous nous sommes ignorés, nous croyant seuls au monde :
Il faut avoir le sens de l'amitié
Pour que le bonheur se propage dans le monde."

Julien Weinzaepflen

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