lundi 25 juillet 2011

La fleur

LA FLEUR DES CHANTS





Comme le chant est son, sens,

souffle, rythme et harmonie,

ainsi la fleur des champs dans le sol terrestre,

étalant ses pétales au soleil des corolles.





1. Son.





Effeuillez le blé entre vos doigts secs

comme la marguerite entre vos mains dolentes :

vous finirez, c'est fatal,

par tomber sur pas du tout.



Ainsi le son plaque l'accord en terre

et l'harmonie ne répond pas.



La terre acquiesse, forcée.

Son écorce élastique enregistre l'agression,

la terre-tympan vibre sous le choc,

le convertit en bruit audible.



Le sort en est jeté :

il n'y a pas du tout de raison que la fleur pousse,

si ce n'est que la vibration a été enregistrée.

C'est ainsi qu'ordinairement,

la terre endure

et subit la semence.



Mais un amoureux passe et respire :





2. Sens,



non pas un de ces godelureaux harnachés de sa quête,

qui quêtent le sens

comme le mendiant l'argent et ses billets pour sa sébille

sur le marché au flair sibybillin,

mais un qui s'emplit,

dont les narines se plissent,

quand s'en expire l'air accueilli.



"Il ne suffit pas qu'au commencement, soit le son

comme l'enveloppe", dit-il.

Il faut qu'une raison donne poussée

au pas du tout originel.

Il faut qu'une émergence contrarie la négation,

en perce l'évidence.

Il faut que jaillisse,

sous la voûte où s'écarquille le silence,

une inspiration de la terre."



La terre aspire, et la fleur sort.





3. Souffle.



Or la fleur s'étonne, déjà coquette,

d'avoir à être, elle.

D'avoir, sans y songer,

sans le vouloir, su contrarier

la logique implacable

du pas du tout qui plaque en terre,

d'avoir émergé, jolie,

d'être malgré tout jaillie,

et de séduire.



La fleur chante son prélude pour les commençantes.



La fleur s'étonne déjà,

s'établit,

légère et pesante pourl es bras à bouquets,

dans la feinte où elle prend

ce petit peu de plus

de place que la sienne,

ce qui donne des formes à ses fesses.



Elle conduit à soi, séduit,

les coeurs qui aiment que les fleurs aient un beau cul,

ceux qui s'émerveillent que les fleurs aient,

pour être belles,

comme des fleurets, épaisses épées désarmantes,

des rebondissements qui arrondissent

leurs formes pures.



Langueur est la fleur

qui n'en revient pas d'être elle-même.



Comme ses bras teintent des gourmettes

qui baptisent sa beauté,

comme l'émeuvent

les premiers hommages qu'on offre

à ses charmes qui transportent,

vient dans sa voix qui se pare

un après-mot, le souffle langoureux,

qui se prolonge dans la colonne d'air

pour marier ce qu'elle a dit des choses

à ce qu'elle ne dit pas d'elle-même,

en une traîne de silenc marié às sa robee

que portent en écoutant la fleur,

les garçons d'honneur,honorés

de lui laisser, intéressés,

de cette place qu'elle occupe en plus.



Le souffle est la confiance

dans laquelle ce qui s'est érigé

contre les bonnes raisons du pas du tout

prend en plus de ce qu'on lui donne,

avec une gourmandise dont l'Aimée

sait que, non seulement on nel a gourmandera pas,

mais on lui saura gré de son appétit.





4.Rythme.



Certes, la fleur ne marche pas,

c'est le primate qui s'y colle.

Mais à la fleur est donné cela

de faire marcher.



La femme est une fleur qui danse,

dont les bottines font valoir la beauté,

que ses amoureux suivent en baissant les yeux,

qui a joint la montre

à la nécessité de faire ses courses par la ville émoustillée,



mais la fleur vit au rythme du soleil.

Son fard tombe dans la nuit,

dans la mélancolie des premiers rides,

puis elle reprend aisance

dans le matin qui lui refait vivre

son premier matin du monde.



Et tout ainsi la femme balance

entre le quotidien des courses à faire

et l'idolâtrie qu'elle inspire

quand elle prend ses aises.



Et tout en elle

veut donner raison à ce mouvement de balancier,

pour défier le pas du tout qui lui fait peur encore.



Tout en elle

veut que l'amour effeuille la marguerite,

afin d'éprouver ce vertige

que l'amoureux tombe sur pas du tout,

que le pas du tout de l'amoureux

la fasse tomber de haut, la femme,

que pas du tout la remise à la case départ

avec interdiction de rejouir.,

mais le miracle se reproduit chaque fois,

la probabilité du pas du tout ne garde e chances que mathématiques.



cependant que tout en la femme-fleur

pour défier la mort,

aspire à ne plus inspirer l'amoureux

pour ne plus vivre

que de la nécessité

d'être en faisant ses courses.



Alors, sur elle, retombe la nuit de la ville

et la femme attend que le désir,

transplanté dans la lassitude des deux amants,

ne perce l'indifférence matricielle

pour se vivifier du matin qui reviendra.



Tout matin croit au paradis qu'il promet.



Qu'est-ce qui vient se mettre dans l'engrenage ?



Est-ce le diable ?



Non : c'est la lune, qui ne veut pas être fidèle à aucun de ses quartiers.



Non, c'est la variété binaire des moments et des sentiments, et de ce qui éclate aux yeux et de qui se cache dans l'ombre.



Non, c'est l'Humanité qui, rythmée par la contingence de ne pouvoir garder l'air accueilli, s'épanouit dans la variété des états d'âme, et gazouille quand elle est arrosée, et s'arsouille quand elle est angoissée.



Non, c'est la floralité, dont le souffle se subtilise et qui rend son haleine impure

au passage de l'adolescence

par la bassesse de la terre

qui l'a défiée d'un pas du tout.





5. Harmonie.



Or, tandis que l'humanité,

dans le matin qui revient,

se lave à grande eau pour cacher les mauvaises odeurs,

la fleur a rendu à la terre

l'humble bassesse

que la terre s'était fait prier par le son

de remettre à la fleur.

Entre la terre et la fleur,

les comptes sont vierges.



Le chant de la fleur est mûr,

allons cueillir sa voix.



Or voici :



vous pourriez fermer les yeux,

vous pourriez ne plus rien entendre du chant qui s'élève,

vous ne pourriez pas ne pas humer,

sous l'humilité rendue à la terre,

cette senteur qui monte :

le mystère s'interpose

et dans le craquellement des ombres de présence,

s'élève l'Emanation.



Le parfum monte.

Il n'a point de racines.



Vous ne pouvez localiser la cause de son existence

dans aucune nécessité de surmonter un refus :

le refus est dans la dureté de la tige plaquée,

il n'est plus dans le parfum.



Tout au plus prend-il peut-être sa source,

ce mystérieux parfum qui monte,

dans cette plus qu'acceptation

que la fleure a faite d'elle-même

en son chant du premier souffle.



C'est plus qu'une contingence que ce parfum,

qu'un clin d'oeil du hasard

qui approuverait la fleur

de s'être tant aimée.



C'est plus qu'une contingence :



bien que cela ne relève pas du tout d'une racine,

que ce soit le fait du Hasard,

s'il faut ainsi nommer ce qui approuve,

c'est tout à fait de l'Essence,

ce parfum,

mais l'essence, qu'est-ce que c'est ?



C'est l'Accord de la fleur avec elle-même,

c'est la non justification,

c'est la coïncidence des vibrations qui touchent,

c'est le palper des retards et des avances,

c'est le oui qui n'est pas demandé,

c'est l'instant de fusion dans l'image,

c'est l'ivresse de l'immanence,

c'est l'effusion de l'Emanation soudaine,

c'est l'absolue non confusion de la fleur qui se prélève,

c'est le bonheur de se sentir langoureusement être,

c'est le paroxysme paradisiaque,

c'est le souffle capiteux qui monte :



vous pouvez effeuiller la marguerite,

la fleur ne pourra plus se faner,

son souvenir en vous ne passera jamais,

votre coeur sera encore tout plein de son mystère

et votre âme,

voulant apercevoir l'énigme dans le miroir sans teint,

cherchera son secret dans les pierres de la disparition.





Julien Weinzaepflen

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