(poème ancien, 2003)
Il y a une inspiration,
on n'y peut rien,
ça va trop vite,
c'est plus fort que nous,
je vous l'accorde,
on devrait écrire à ce rythme-là,
d'autant que la rythmothérapie, ça existe,
mais ça ne guérit pas.
Rien ne guérit d'ailleurs,
on ne guérit de rien
et le rythme du coeur...
Mais il y a une différence
entre le rythme du coeur
et ce rythme-là,
de l'inspiration,
car on n'a pas le coeur...
d'expirer,
de se laisser mourir
ou de rejeter quoi que ce soit,
qui que ce soit,
d'arrêter de se battre.
On n'a pas le coeur
mais il y a une différence...
et une inspiration,
mais ça bat trop vite
et on n'y peut rien,
c'est plus fort que nous,
je vous l'accorde,
comme si j'avais du coeur...
Miséricorde...
Et grâce au coeur,
je ne veux pas rejeter,
mais je rejette,
car il y a une différence
entre le rythme de mon coeur
et ce rythme-là, d'inspiration.
Il y a deux rythmes en moi :
mon rythme respiratoire
et mon rythme cardiaque.
Mon arythmie est là.
Mon coeur
bat plus vite que l'inspiration.
Je préfère écrire au rythme de mon coeur
et penser
que mon âme avance,
est en procession,
que croire
qu'elle est en procès
et que je peux rejeter
quoi que ce soit
ou qui que ce soit.
Dieu en a-t-Il le coeur?
On le dit,
mais je ne le crois pas,
je ne veux pas croire en ce Dieu-là.
Mais peut-on choisir le Dieu en Qui l'on croit
du moment qu'il y a un Dieu?
Je n'ai pas le coeur
de croire que Dieu soit méchant,
que philosopher soit apprendre à mourir,
que l'homme soit le seul animal à savoir qu'il va mourir,
que tous les autres n'aient que de bas instincts,
qu'il n'y ait pas de paradis des animaux :
* restons entre hommes,
buvons entre Français
au bistrot du kabyle... *
Il y a une expiration,
comme un racisme,
un rejet,
une défécation d'où s'exhale une puanteur,
comme l'idée de race
qui est fétide ;
comme l'air que l'on expire est plus chargé en gaz carbonique
que celui que l'on inspire et qui nous oxygène.
Il n'y a pas seulement une défection et un rejet,
il y a une puanteur dans le rejet,
dans la chaîne d'écrasement qui nous incorpore
le brin d'herbe,
dans la chaîne alimentaire qui chasse pour nous
le chevreuil ou la biche.
Il y a une incohérence,
un métabolisme coercitif
qui interdit à l'étoile de se cacher en nous.
Il y a une étoile qui erre
dans l'ère de la raison qui fuit,
qui se méfie de nous
comme l'air qui nous expire après nous avoir inspirés
en ne nous accueillant pas.
Quand j'étais enfant
- on revient toujours à son enfance
et à l'enfance comme topos littéraire ou topique spirituelle -
on a voulu me faire croire
que la vie était don et accueil
comme la respiration
pompe en s'époumonant
l'intensité réfractaire.
Mais qu'est-ce qui s'est donné à moi
que je n'aie pas volé
et qu'est-ce que j'ai accueilli
que je n'aie pas rejeté ensuite ?
Au bout de quelle amitié suis-je, ai-je su aller,
de quelle amitié avec de l'air?
Facile à dire,
vite dit,
que toutes les amitiés ne sont que du vent,
qu'on compte les amis sur les doigts de la main
et qu'on contracte les amitiés comme des maladies
au hasard des âmes
qu'on rencontre en passant,
emportées dans le mouvement qui bientôt les éloigne,
passant de nouveau de nous à l'inaccessible,
rendues à l'indistinct
par le courant du fleuve de Vie
qui est Vitesse :
facile à dire,
vite dit,
que les amitiés ne sont que de l'air,
car l'air,
même quand il se déchaîne et fait la bombe en vent,
c'est quand même quelque chose,
un copain de bistrot,
une porte du ciel,
une vivification,
une imprégnation par la lenteur à couvrir l'ombre
en prenant son temps.
Mais le temps qu'on prenne l'air
comme l'air nous prend,
il nous expire
et avant cela c'est nous qui l'avons fait sortir,
pour conclure qu'avec le temps,
on a la gueule de bois,
on n'aime plus,
ou on n'aime pas longtemps ;
que rien ne se donne, tout se détruit, tout se dérobe,
que rien ne se donne et nous n'accueillons rien :
nous cueillons l'air,
le temps de le polluer
et puis nous l'envoyons aérer la terre,
l'oxygéner,
si tant est que la terre s'aère,
s'oxygène,
que l'air existe plus que nous pour elle,
qui n'existons pas,
qui ne nous sentons pas des enfants de la terre,
mais à qui l'on a expliqué le ciel en nous disant
quand nous étions enfants
- on revient toujours à son enfance - :
"le ciel, c'est l'air,
regarde au-dessus de toi,
c'est sublime,
Tu verras..."
Moi j'ai regardé
et je n'ai rien vu,
et j'ai vu l'air,
mais pas le ciel.
Le ciel s'est dérobé à moi,
il s'est caché au-dedans de moi
ou dans l'ombre de l'air.
Je ne le reconnais pas,
je ne le regrette pas,
mais y a-t-il quelque chose au-delà de moi,
y a-t-il un ciel au-delà ?
C'est ce que je ne sais pas,
ni s'il me reste du temps,
si je peux prendre l'air, au-dessus,
si je vivrai beaucoup plus que le temps d'une inspiration.
Mais à cause de la profondeur,
parce que j'ai l'habitude d'être empli
et parce que j'ai peur du néant
dont je n'ai pas la notion complète,
absolue,
à cause du plein que je suis
ou que je crois être,
j'ai tendance à croire
et n'étant pas suicidaire,
pas du tout,
je continuerai...
Julien WEINZAEPFLEN
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