lundi 29 janvier 2024

INSPIRATION

(poème ancien, 2003)


       

Il y a une inspiration,

on n'y peut rien,

ça va trop vite,

c'est plus fort que nous,

je vous l'accorde,

on devrait écrire à ce rythme-là,

d'autant que la rythmothérapie, ça existe,

mais ça ne guérit pas.

Rien ne guérit d'ailleurs,

on ne guérit de rien

et le rythme du coeur...

Mais il y a une différence

entre le rythme du coeur

et ce rythme-là,

de l'inspiration,

car on n'a pas le coeur...

d'expirer,

de se laisser mourir

ou de rejeter quoi que ce soit,

qui que ce soit,

d'arrêter de se battre.

 

On n'a pas le coeur

mais il y a une différence...

et une inspiration,

mais ça bat trop vite

et on n'y peut rien,

c'est plus fort que nous,

je vous l'accorde,

comme si j'avais du coeur...

Miséricorde...

 

Et grâce au coeur,

je ne veux pas rejeter,

mais je rejette,

car il y a une différence

entre le rythme de mon coeur

et ce rythme-là, d'inspiration.

Il y a deux rythmes en moi :

mon rythme respiratoire

et mon rythme cardiaque.

Mon arythmie est là.

Mon coeur

bat plus vite que l'inspiration.

 

Je préfère écrire au rythme de mon coeur

et penser

que mon âme avance,

est en procession,

que croire

qu'elle est en procès

et que je peux rejeter

quoi que ce soit

ou qui que ce soit.

 

Dieu en a-t-Il le coeur?

On le dit,

mais je ne le crois pas,

je ne veux pas croire en ce Dieu-là.

Mais peut-on choisir le Dieu en Qui l'on croit

du moment qu'il y a un Dieu?

Je n'ai pas le coeur

de croire que Dieu soit méchant,

que philosopher soit apprendre à mourir,

que l'homme soit le seul animal à savoir qu'il va mourir,

que tous les autres n'aient que de bas instincts,

qu'il n'y ait pas de paradis des animaux :

* restons entre hommes,

buvons entre Français

au bistrot du kabyle... *

 

Il y a une expiration,

comme un racisme,

un rejet,

une défécation d'où s'exhale une puanteur,

comme l'idée de race

qui est fétide ;

comme l'air que l'on expire est plus chargé en gaz carbonique

que celui que l'on inspire et qui nous oxygène.

 

Il n'y a pas seulement une défection et un rejet,

il y a une puanteur dans le rejet,

dans la chaîne d'écrasement qui nous incorpore

le brin d'herbe,

dans la chaîne alimentaire qui chasse pour nous

le chevreuil ou la biche.

Il y a une incohérence,

un métabolisme coercitif

qui interdit à l'étoile de se cacher en nous.

Il y a une étoile qui erre

dans l'ère de la raison qui fuit,

qui se méfie de nous

comme l'air qui nous expire après nous avoir inspirés

en ne nous accueillant pas.

 

Quand j'étais enfant

- on revient toujours à son enfance

et à l'enfance comme topos littéraire ou topique spirituelle -

on a voulu me faire croire

que la vie était don et accueil

comme la respiration

pompe en s'époumonant

l'intensité réfractaire.

Mais qu'est-ce qui s'est donné à moi

que je n'aie pas volé

et qu'est-ce que j'ai accueilli

que je n'aie pas rejeté ensuite ?

Au bout de quelle amitié suis-je, ai-je su aller,

de quelle amitié avec de l'air?

 

Facile à dire,

vite dit,

que toutes les amitiés ne sont que du vent,

qu'on compte les amis sur les doigts de la main

et qu'on  contracte les amitiés comme des maladies

au hasard des âmes

qu'on rencontre en passant,

emportées dans le mouvement qui bientôt les éloigne,

passant de nouveau de nous à l'inaccessible,

rendues à l'indistinct

par le courant du fleuve de Vie

qui est Vitesse  :

 

facile à dire,

vite dit,

que les amitiés ne sont que de l'air,

car l'air,

même quand il se déchaîne et fait la bombe en vent,

c'est quand même quelque chose,

un copain de bistrot,

une porte du ciel,

une  vivification,

une imprégnation par la lenteur à couvrir l'ombre

en prenant son temps.

 

Mais le temps qu'on prenne l'air

comme l'air nous prend,

il nous expire

et avant cela c'est nous qui l'avons fait sortir,

pour conclure qu'avec le temps,

on a la gueule de bois,

on n'aime plus,

ou on n'aime pas longtemps ;

que rien ne se donne, tout se détruit, tout se dérobe,

que rien ne se donne et nous n'accueillons rien :

nous cueillons l'air,

le temps de le polluer

et puis nous l'envoyons aérer la terre,

l'oxygéner,

si tant est que la terre s'aère,

s'oxygène,

que l'air existe plus que nous pour elle,

qui n'existons pas,

qui ne nous sentons pas des enfants de la terre,

mais à qui l'on a expliqué le ciel en nous disant

quand nous étions enfants

- on revient toujours à son enfance - :

 

"le ciel, c'est l'air,

regarde au-dessus de toi,

c'est sublime,

Tu verras..."

Moi j'ai regardé

et je n'ai rien vu,

et j'ai vu l'air,

mais pas le ciel.

Le ciel s'est dérobé à moi,

il s'est caché au-dedans de moi

ou dans l'ombre de l'air.

Je ne le reconnais pas,

je ne le regrette pas,

mais y a-t-il quelque chose au-delà de moi,

y a-t-il un ciel au-delà ?

C'est ce que je ne sais pas,

ni s'il me reste du temps,

si je peux prendre l'air, au-dessus,

si je vivrai beaucoup plus que le temps d'une inspiration.

 

Mais à cause de la profondeur,

parce que j'ai l'habitude d'être empli

et parce que j'ai peur du néant

dont je n'ai pas la notion complète,

absolue,

à cause du plein que je suis

ou que je crois être,

j'ai tendance à croire

et n'étant pas suicidaire,

pas du tout,

je continuerai...


Julien WEINZAEPFLEN 

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