mercredi 6 avril 2011

Le silence

Le silence

Poème de Chawki Baghdadi
Né en 1928 à Damas où il vit

Le silence
je suis allé écouter le silence et
il m'écoute

à mes membres à mes yeux
à mes doigts
à ma peau frissonnante à ma langue
à mon c¦ur, mes veines et mes artères
je dis« pas un mot»

je dis taisez vous
ne bougez pas
comme si vous étiez morts
et que de l'effervescence des fontaines ne reste
qu'un pur repos
pour écouter mon âme invisible

laissez les collines lointaines
murmurer une à une
ne refoulez pas la poussière de vos paroles dans leurs visages
laissez-les me câliner toutes seules
et dormir sur mes paumes

laissez le corpuscule du soleil couchant
parler d'un tunnel dans les montagnes
menant à un pays noyé de blancheur
et d'un village, où, sans souffrances,
et me remettre sous la couverture je n'ai personne
j'ai été tous les cieux toutes les montagnes toutes les terres
tous les airs
j'ai été le jeune égaré retrouvé
le prophète

le silence n'ouvre la porte
qu'à quelques aboiements quelques crachats
quelques sanglots délicieux
comme passage d'un courant d'air très doux

il reformule ma pensée ridicule
et mon coeur fragile
il me lave
me purifie
puis sans douleurs sans bruits
sans manuels
sans assistant ferme mes blessures

tous les détails ont fondu
mon corps n'est plus mon corps
la terre même qui m'entoure n'est plus la terre
nous étions ensemble
dans la contraction qui du néant créa la matière offrant ensuite à chacun
son indépendance
et malgré toutes les différences
nous sommes restés ensemble
entre le sur-moi et ma race lointaine

mon amour ne connaîtra pas ici
le goût des avenues turbulentes
ni les soupirs lourds et agressifs
ni le désir brûlant de chair qu'a ma chair
je serai même la colombe
et le collier de la colombe
pour avaler l'eau de la vie
et quand je meurs sur sa poitrine
puis revis d'une pression de son doigt sur ma joue

et dans mon oreille
absorber les lumières des étoiles lointaines

désormais je suis un Juste représentant
mon dieu sur terre dans le silence
je l'entends le vois
porte l'essence de l'intégrité
après que mes défauts l'aient gaspillée
au sein de ce troupeau stupide
silence ma première
ma dernière créature
ma garde secrète
quand pour réussir puis pour être déçu
je rétablis les cloisons de mon âme
et dirige tout seul le conflit
tout seul balaie ma terre pour m'en défaire
je réclame la délivrance
et la construis
non des mains des autres et leurs bruits
mais du silence et du travail de mes propres mains



Courte analyse de ce poème :

1. Imposition du silence aux organes à l’écoute de mon âme invisible.

2. 2. Les collines me câlinent.

3. Le corpuscule du soleil couchant me parle du tunel.

4. « Le silence n’ouvre la porte
qu’à quelques aboiements quelques crachats :
il n’existe pas de silence qui soit exempt de frémissements.

5. « L’œil écoute », disait Claudel. L’œil est aux aguets des vagissements de mon âme invisible, tandis que mes oreilles sont à l’affût de la lumière des étoiles.

6. Je suis un juste repprésentant de l’essence de l’intégrité devant mon dieu : « tiens-toi devant sa face et sois intègre », conseillait le psalmiste ; je ne me représente plus moi-même comme une partie du tout désintégré ; je ne me gaspille plus dans cette représentation indigne de la transcendance ; je ne suis plus désintégré, je suis réintégré par la reconnaissance de moi-même, moi dans la Présence de dieu.

7. Je referme les cloisons de mon âme

8. Pour construire ma délivrance.

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