mercredi 14 juin 2017

LA BONTÉ


À Nathalie VAN HOECKE, qui a été pour moi pendant vingt ans l’incarnation de la bonté.

 

 

½Qui se souvient de la bonté 2mûùØ××C:\WORDTEXT\NORMAL.STYLA BONTE

 

 

 

Qui se souvient de la bonté, emportée

par ce monde de bêtes rampantes

jusqu'à l'abrevoir du chamelier

où il se met en réserve ?

Le monde est en transe de se réserver

contre la libéralité

qu'il transforme en libéralisme ;

les chameaux en tremblant

trempent, la croupe inclinée,

leurs naseaux dans la coupe creusée

à même le sable désolé

de l'oasis

où ils se remplissent

la panse.

Les chameaux pensent

pour avoir la bosse de l'intelligence.

Les chameaux boivent

aux quarantièmes rugissants.

Les chameaux piaffent, hennissent et ruent,

le dos chargé par les nomades

d'affaires.

Les touaregs font leur business dans le désert

tandis que, lapant aux quarantièmes rugissants,

les chameaux oublient d'apprendre à l'homme

comment devenir un enfant. ()

Ils oublient également

comment, d'eux, peut perler de l'eau

que l'homme pourrait continuer de boire

s'il n'avait pas ce besoin de rugir,

ce que les chameaux ne font pas

tandis que la bonté s'assoupit (qui s'en souvient ?)

dans la nature anesthésiée,

anémiée.

 

Qui se souvient de la bonté, amnésiée

dans ce monde de métastases

où le chameau devient wagon accroché

à un train de caravanier.

Bétonnées, les villes

révellent le désert en sursaut klaxonnant

tandis que les cheminées des haleines des chameaux,

assemblés en train pour l'import-export,

soufflent bitume sur le silicium corrompu.

Les villes sont le produit

de la nature anesthésiée,

désobligée d'avoir à se laisser

regarder de travers et de biais,

dans le prisme d'une écologie qui ne connaît d'herbe

que celles dont on hallucine.

La nature devient une "hallucination de la réalité" des villes ()

parce que le désert a oublié de rugir,

emporté par le côté segmentant de la sédimentation du sable en pierres,

carapaces contre l'effritement

général de l'armée des Touaregs

qui commercent pour se donner du spectacle.

quand les chameaux vont boire à l'abrevoir du chamelier,

le désert chante une églogue marchande,

les chameaux penchant leur tête

pour que leurs naseaux plongent

aux coupes naturelles

et qu'ils les épuisent

sans modération ni scrupule.

L'anesthésie de la nature

a fait oublier aux bêtes qu'elles rampaient

ainsi que, de l'oubli des chameaux

de produire de l'eau de préférence à se la réserver,

sont nés les scrupules de l'enfant

perdant contenance et confiance en soi

au milieu d'une nature absorbée,

par l'effet d'une dérive qui n'a rien de féérique,

dans le détournement des fonctions

en activités utilitaires,

l'homme devenant force de travail

et les chameaux ne chargeant pas,

ne contrattaquant pas,

de ce qu'on les charge de bagages

plutôt qu'ils ne fassent ce qu'ils aiment,

qui est de donner aux enfants le goût de se balancer

et de leur apprendre qu'il ne faut pas se cambrer

sous le manichéisme de la nature,

mais apprivoiser la relativité

et non pas s'en protéger

par peur de la dualité

en laissant la sédimentation nous segmenter

dans des villes fortifiées contre le danger

obtenues, violenté, par notre effort

qui choisit de construire

plutôt que de laisser courir !

 

Qui se souvient de la bonté, balancée

dans des assauts d'intelligence

où les chameaux se remplissant la panse

de connaissances

pour en avoir la bosse,

travaillent du chapeau

que c'est la bêtise

et non la bonté

qui peut seule donner une idée de l'infini, ()

chameaux dont la réserve va chanter ça à l'homme

qui en devient conservateur.

"c'

est pas moi, c'est ma soeur

Qu’a cassé la machine à vapeur !

Il n'y a pas que les caravaniers

qui cherchent fortune, moi aussi

je descends de la montagne en pyjama

parce que je me suis endormi,

youpi aye, aye, youpi youpi aye !"

Et je me suis endormi,

perdant conscience et connaissance,

parce que, par degrés,

la peur sédimentante a laissé s'oublier la bonté,

s'amenuiser, s'anesthésier jusqu'à la laisser balancer,

l'infinie n'étant plus en balance

dans notre nouvelle épiphanie du mouvement.

 

Quand les chameaux savaient marcher,

chaque primesaut de leurs pas

permettait de saisir l'alternative,

l'infini n'étant une alternance

et ne se laissant diviser de moitié

qu'afin que je le saisisse et laisse à le penser

aux arêtes du trottoir

des villes punitives. ()

Il n'y a pas d'"arrête" dans le désert,

ni dans le bifteck de mon désir.

Je désire dire, interroger :

 

"qui se souvient de la bonté, amnistiée,

et pourquoi n'est-ce plus à son aulne

qu'on prend les mensurations de l'infini ?

Qui a laissé finir la nature

au point que la corruption

en vienne à contrebalancer

la génération

dans le processus évolutif

dont le paroxysme est peut-être baroque,

mais n'est pas individuel

puisque l'individu est mortel,

à quoi le préparent,

comme des miniatures des réalités létales,

toutes les mises entre parenthèses de ses anesthésies

dont inconsciente est la roche

de s'agglomérer pour se corrompre,

afin de ne pas laisser s'écouler trop fluide

le sable évasif

qui n'est pas la délation du temps." ()

L'individu rugit d'être mortel

et arrêté

par les parenthèses sédimentaires

d'une corruption latente.

C'est pourquoi, ne bringuebalant plus,

il ne sait plus que choisir,

ou plutôt ce sont ses séquences qui forment ses choix,

ou ses pensées,

ces dernières n’étant que  

les repères

d'une "morale provisoire", ()

nécessité de la contingence.

 

Pour former un symbole,

il faut ramasser du sable

et le lancer en l'air

avec un bâton.

Ce sable volatilisé forme un toit.

Ce toit inaugure une demeure.

Cette demeure étanche le besoin

de respirer en certitude

sous les bâches de la Foi.

Cette demeure recrée l'air.

Ensuite, on replace le bâton au centre de la terre

et, en le tenant ferme dans sa main,

la rotation de la terre

se communique à nos bras

serrés contre le plexus solaire.

La force des bras

est une immobilité musculaire

contrastée par

l'énergie de la rotation de la terre

qui fait palpiter jusqu'aux toits

et nos têtes sousces non moi.

Ces toits ne s'écroulent pas

quand on les a une fois lancés au vent

en symboles insoumis

à la corruption des avatars.

Le danger n'ébranle pas

la force de l'alternative.

Dans la nature retrouvée

par l'enfant qui tient le bâton,

le bâton s'agitant à peine

sous le toit qui tient tout seul

réveille chez l'enfant

le sentiment de la bonté

qui fait tourner les têtes

des hommes, chavirés par les chameaux

qui refusent désormais

toute autre charge qu'humaine.

La bonté n'est plus recroquevillée,

mais se réveille

dans la nature recouvrée

par les toits qui tiennent tout seuls.

Les chameaux ont charge d'hommes.

L'heure de midi,

avec les toits pour parasol,

veut que l'homme se lève

pour ne pas faire mentir le sphynx

et qu'il prenne le relais de l'enfant

pour tenir le bâton.

A l'enfant, l'homme demande :

 

"Qui se souvient de la bonté, d'amitié ?"

Et l'enfant de répondre :

"Ton rêve, papa,

même si tu l'as transformé en question."

Et l'homme ne promet pas

à l'enfant

qu'il grandira

dans ce souvenir inentamé

cependant que les femmes acopinées

s'en vont chercher,

à droite de la bosse du chameau qui s'est couché,

la goutte d'eau qui vient d'en perler

et dont chacun se désaltère.

Une lampe torche

éclaire faiblement

la maisonnée s'étanchant

pour perdre l'assèchement

de la langue.

LA MORT PLANE AU-DESSUS DES SYMBOLES,

mais la bonté l'a surplombée,

la parenthèse est refermée

de la mort qui est oubliée.

L'individu ne rugit plus

parce qu'il n'a plus le sentiment

d'être mortel.

La vérité est une esthétique,

c'est le sentiment qui fait foi.

De la bonté, naît la beauté.

"La beauté attire et la bonté retient",

me disait l'abbé Itti,

rescapé de tanboff.

"Je suis rescapé de la vérité

qui est née de mes sentiments,

et c'est la bonté

qui retient le toit de s'éventer."

La beauté naît sous le toit,

retenu par la bonté

de se disloquer

au premier souffle de vent

comme la maison de Noufnouf,

l'aîné des "TROIS PETITS COCHONS".

La bonté n'est pas cochonne

et la beauté érotisée

ne peut être frappée d'interdit.

Ne dispersez pas la vérité,

elle est bouleversante !

L'impossible écroulement du toit de sable

retenu par la bonté

fait sortir la beauté

du monde des refoulements.


Le refoulement, cet écroulement du désir,

n'a pas cours

dans un monde où on ne choisit pas.

La non nécessité de choisir ou de répondre

fait découler la liberté

de l'inamovibilité

du toit retenu par la bonté,

et la liberté s'épanouit

au voisinage de la beauté

couvée par la vérité.

La liberté pénètre dans sa propre attirance,

en reconnaissant qu'elle ne doit de copuler

avec la beauté ou la vérité

qu'à la bonté qui tient en laisse

la chaîne, élancéée depuis ses jambes d'enfant couché

jusqu'au-dessus des têtes,

en symbole volatile et à tout instant menacé

de se volatiliser

si la bonté ne le retenait pas

- la liberté est un enfant -,

la seule chose qui pourrait empêcher

la bonté d'avoir prise

sur l'édifice de sable

étant que la liberté ne commette

le sacrilège de l'inceste

sous le toit de la maison,

ce qui aurait pour effet immédiat

de faire retourner ledit toit

au sable d'où il vient,

tandis que la bonté n'ayant plus rien à retenir,

n'aurait plu qu'à s'assoupir à nouveau

et que le sentiment de la bonté

renaîtrait des constructions dont on se parerait

contre le danger.

La bonté assouplit le toit

tandis que la liberté

regarde la vérité

prendre consistance,

sous une forme artiste et belle,

de ce que fait la bonté au-dessus d'elle.

La liberté regarde

le toit se balancer,

la beauté jouir de ce balancement

et la vérité ne tirer son existence

que du mouvement de balancier

et des efforts que fait la bonté

pour faire revenir le toit,

en suivant ses voltefaces,

au-dessus desquelles elle s'est assise

pour les piloter.

La liberté suspend son jugement

de ne regarder la vérité

qu'exister

et tirer son essence

de la bonté-pilote

qui redonne vacation à la nature

de dire : "JE SUIS LA BONTE".

 

La nature s'attribue la bonté qui la tient

et Dieu sourit de S'y voir assimilé,

Qui soutient la bonté retenant la nature.

 

 

Julien WEINZAEPFLEN

 

30 AVRIL 2009

 

 

 


 

Allusion au célèbre itinéraire pour devenir un homme proposé par Nietzsche dans ZARATHOUSTRA et selon lequel il faut commencer par se mettre dans la peau du chameau qui dit "OUI", puis passer par l'étape du lion qui dit "NON" avant de devenir un enfant pour surmonter l'alternative et dépasser la dialectique de l'acceptation ou du refus du monde et de la vie.

 "Hallucination de la réalité" : définition commune de la fiction célinienne au sens strict de laquelle, notamment,  les romans de Christine Angot sont vraiment des romans, ni plus, ni moins que ceux de Céline, tout jugement de valeur suspendu.

 Les deux phrases les plus antihumanistes que je connaisse sont :

"Seule, la bêtise peut donner une idée de l'infini" d'Ernest Renan et :

"Il faut être économe de son mépris étant donné le nombre de nécessiteux" de François-René de Chateaubriand.

 Tentative poétique d'exprimer ma conviction politique que l'utopie à venir sera celle qui saura penser dans les arêtes, entre "forces de la réaction" et "parti du mouvement", entre tradition et modernité, dans l'espace de synthèse aporétique où renvoient dos à dos "les extrêmes" qui ne font pas que s'attirer, mais savent poser les vrais problèmes. L'arête où penser a cet autre avantage de vivre dans l'attraction phonétique de l'arété grecque, la vertu, qui tenait toujours le milieu entre deux attitudes également excessives. Ne pas en tirer que le but de raisonner dans les arêtes soit de trouver une conclusion centriste qui fasse revivre l'esprit "juste milieu" de la monarchie de juillet ou du radicalisme français qui n'est radical que par antiphrase ; mais la vertu poursuivie par la cité antique était l'amitié des citoyens. Or, au travail politique de penser dans les arêtes, résiste la pression des événements qui parlent un autre langage, de même qu'aux plans gouvernementaux recensés dans les "déclarations de politique générale", viennent s'opposer les faits du "temps médiatique" qui détournent de l'action à long terme, rendent l'opinion versatile et réclament toutes affaires cessantes une réponse immédiate. On a beaucoup moqué rousseau pour avoir, au début du "CONTRAT SOCIAL", pris de la hauteur d'un magistral :

"ecartons les faits", ceux-là mêmes dont Lénine dira plus tard qu'ils sont têtus. Têtus ou non, les faits ne sont pas des créatures philosophiques. Ils viennent contrarier l'exercice de la pensée systématique comme la réalité s'oppose aux principes. Or est-ce parce que la réalité les rend d'application caduque qu'il faut renoncer à avoir des principes ? encore, s'agit-il moins d'en avoir que de trouver les bons !

 Allusion au sablier.

(Descartes.)
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