mardi 20 février 2018

Le miroir élémentaire


1. Le moi,

 

 

La vie est difficile pour moi...

Comme pour tant d'autres bien sûr,

mais pourquoi toujours les autres ?

Les autres bien sûr, pourquoi pas ?

Mais aussi moi,

 

non tellement les autres...

que moi :

non tantum, sed etiam...

 

Pas toujours les autres,

moi aussi...

 

Non tellement les autres...

que moi :

 

Non, les autres pas tellement,

mais moi...

 

Non les autres pas trop encore,

mais moi au contraire, tellement...

 

Les autres, on le dit bien sûr,

mais les autres, c'est des "on dit"

alors que c'est tellement, moi,

tellement vrai,

que tantum-quantum :

 

pour combien d'autres... moi ?

Pour quel quota d'autres... moi ?

Pour quelle quantité d'autres... moi ?

 

Non, pas les autres,

pas du tout,

que moi ! :

 

les autres, c'est tellement des "on dit",

c'est tellement quantité négligeable

par rapport à moi,

Les autres,

ça s'en fout de moi

alors que moi,

est-ce que je m'en fous des autres ?

 

Et puis les autres,

ça vit sa vie,

c'est affranchi de moi,

C'est pas seul :

non solum, sed etiam... !

 C'est pas seul, les autres,

puisque c'est pas avec moi,

pas du tout !

Est-ce que moi je m'en fous des autres ?

Pas du tout.

 

Alors non,

pas du tout les autres,

seulement moi,

non seulement les autres,

mais aussi moi...

Non, pas les autres,

que moi,

 

non que les autres,

mais moi...

 

Et puis les autres, non solum

alors que moi, seulement etiam,

seulement aussi,

moi solum, moi seul,

au sol, moi seul.

(c'est bizarre comme il n'y a que moi qui ai mal

quand je dis que j'ai mal à mon moi !)

 

Les autres, c'est tout des racontars,

Mais c'est un fait que moi...

Les autres peut-être, bien sûr,

mais moi, c'est attesté, pas affecté,

c'est factuel,

 c'est sûr,

moi c'est certain,

je le dis,

 

moi, c'est pas du cinéma

alors que les autres, ça se dit, ça se montre,

les autres, c'est des monstres,

c'est des monstres d'égoïsme

qui ne pensent jamais à moi,

sauf quand ça les chante :

"Tiens, ça me chante,

je vais téléphoner à ce moi,

car j'aime bien sa musique,

il est apaisant,

ça fait du bien de l'entendre

et de parler de soi avec lui !"

 

Sur les autres, ça se dit,

ça se raconte,

mais est-ce qu'on sait ?

Et puis, ce qu'on sait sur les autres,

est-ce que ça se raconte ?

 

Non, ce qu'on sait sur les autres,

ça ne se dit pas.

Parler sur les autres,

ça ne se fait pas :

 

 

 

pas autant les autres...

Que moi,

pas seulement les autres...

Mais moi.

Non seulement eux,

mais mois aussi,

moi d'abord,

moi surtout,

 

 

 

moi sur tout,

moi par-dessus tout,

moi parce que, par-dessus tout,

je m'intéresse aux autres,

 

moi qui m'intéresse aux autres,

qui m'entremêle, qui m'entremets,

qui m'entremets, qui m'entremêle,

qui mélange leurs couleurs de vie,

moi qui entre-est,

qui m'interpose,

qui interviens,

 

moi de l'intérieur de qui tout se voit,

en qui tout joue sa synthèse,

 

 

 

non que je sache ou sente tout,

mais tout se joue en moi,

tout passe par moi,

tout me traverse par-dessus les naufrages,

 

 

non que je m'intéresse à tout,

mais je respire...

 

 

non que je ne m'intéresse qu'à moi,

à moi particulièrement,

à moi par-dessus tout,

et que je prenne les autres par-dessus la jambe

pour les jeter à la mer

parce qu'ils ne sont qu'au bord de moi,

 

mais je suis source de tout pour moi,

de tout ce qui se passe et que j'apprends en moi,

et que je prends pour moi ;

 

tout ce qui vit passe par moi,

à travers moi,

 

je déforme tout qui se comprime en moi,

mais ne m'imprime rien qui ne passe par moi,

zone franche et où l'on entre sans droit,

 

 

non que je ne caresse que moi...

Mais...

 

 

Non que je ne regarde que moi

même si après tout, les autres,

ça ne me regarde pas

et que se mêler de ce qui ne nous regarde pas,

cela ne se fait pas...

 

 

Mais...

 

 

Non que je sois égoïste

et ne tienne qu'à moi,

et ne tienne comme Pascal le moi, cet iste, pour haïssable...

 

Mais moi, pascal,

moi qui suis passage,

moi qui suis de passage,

moi, je l'avoue,

je suis narcissique

à défaut d'être égoïste

et encours à la bourse des sentiments cette critique

que je ne mesure le cours

de rien que je ne fasse partir de moi,

 

 

non que je m'intéresse à moi...

Mais je m'entretiens,

car on n'est jamais mieux servi que par soi-même

pour trouver un interlocuteur ;

je m'entretiens de ce qui est

et j'entre-est...

 

Moi à quoi rien n'est si contraire que le non-être,

moi à-quoi, source  et non but...

 

 

 

Non...

Mais...

NON...

Sed...

Latinisme et balancement

en vertu de quoi rien n'est

que par rapport à la proposition contraire,

 

 

non que le non-être ne soit que le contraire de l'être,

car certes, il n'y  a pas du tout de non-être dans l'être :

 

Il n'y a dans le non-être

qu'une manière de cerner apophatiquement

la définition humaine

qui, quand elle se rapporte à l'homme,

embrasse aussi les femmes... :

 

 

..."Non mais oh ! 

Ca devient trivial,

ça devient graveleux,

ça devient gras, 

Le niveau baisse,

tout fout le quand."

 

C'est la trivialité de ce qui s'entremêle,

de ce qui s'interrompt pour se lire à plusieurs niveaux,

de ce qui mélange les niveaux,

de ce qui se met au niveau,

de ce qui s'intéresse et...

Se suce :

 

 

"Non... mais hé... ?"

"Hé ho, ho hé, Roméo, saint-Charles de Boromée,

pas de ça devant les enfants !"

 

Et puis quoi ?

"Tous ensemble, tous ensemble, ho, ho !"

Mais pour quoi faire et quoi derrière, hé, hein ?

Manifestation sans appel d'un appel à l'aide

et puis c'est tout,

et puis c'est rien,

que la répercussion du non-sens sous le préau des collectifs :

"Monde solidaire,

notre vie est un grand chantier... !"

 

 

 

Moi, par un juste retour des choses, faisant retour sur moi, moi pour vous,

parce que j'ai le respect du lecteur

et que le respect du lecteur

est une valeur déontologique...

 

 

Non...

Mais...

 

 

Moi qui n'en peux mais,

mais... que tout concerne,

que tout consterne,

 

moi qui n'en peux mais,

Mais... qui veux tout

(tout, c'est un peu trop),

tout endurer, tout supporter

pour tout soulager,

 

moi qui n'en peux mais,

mais... Sainte Thérèse de l'enfant Jésus non plus,

patronne des missions,

 

moi qui n'en peux mais,

mais... qui ai ma volonté de puissance à moi,

 

à moi qui n'en peux mais,

mais... qui ne suis pas double,

mais multiple,

sur qui tout dribble, rebondit,

en qui tout se rétracte et se multiplie à l'envi,

qui envie tout et ai envie de tout,

 

moi qui n'en peux mais

et qui Dieu sait ne suis coupable de rien,

mais... me sens responsable de tout

et réponds de tout

parce que respondere,

c'est ne jamais être absent,

 

moi sur qui tout pèse

et qui veux peser sur tout

parce que pondere,

ce n'est pas être modéré,

c'est avoir la gloire

ou au moins sa part ;

 

moi qui veux peser sur tout

parce que pieux, j'ai pitié de tout,

parce que j'aime tout,

 

moi qui n'en peux mais,

qui n'y peux rien,

mais qui veux tout pouvoir

pour tout bouleverser

et peser sur tout

pour tout apaiser,

 

moi qui recherche, franchement, ma propre zone de paix

bien que je ne croie pas à la vertu dynamique

de la paix couarde,

 

moi qui suis le destinataire prédestiné

de la totalité de la fatalité,

 

moi que tout a attiré à terre,

mais qui la tête en l'air

cherche du regard

l'horizon qui m'échappe comme un point,

qui m'échappe à moi,

le rescapé qui réchapperai,

 

moi qui cours après l'horizon

et qui plus je vais,

plus elle me fuit

comme les promesses,

parce que moi, le traversé,

je n'ai pas rendez-vous,

ou alors dans un autre après,

dans un autre moment,

peut-être un moment parfait,

qui m'enfantera

pour autre chose que pour moi-même,

moment-maman d'autre chose que de moi-même,

ou de moi, mais pour autre chose

que pour que je m'aime,

moi qui en ce moment...

 

 

en ce moment où j'écris,

en ce moment où je suis,

suis traversé par le tout fractionné,

suis divisé,

c'est-à-dire multiplié par l'inverse de l'autre,

ce second moi ;

m'entremêle,

m'emmêle,

entre-est,

 

essaie,

si peu que ce soit que d'un moi,

d'aller du moi au toi,

du moi au soi,

du moi à l'en soi,

du moi à l'on de choix,

du moi à l'on de soie,

du moi à la soie de l'on,

à la soie de la relation,

à la soie de la religion,

 

à la religion de la soie,

à la religion de la foi,

à la religion de la foi dans l'autre,

à la religion de la foi dans le Tout Autre,

soit la foi dans le Tout Autre,

soit au moins la foi dans l'autre,

soit à la foi la fois dan l'autre

et la foi dans le Tout Autre ;

 

à la religion de la foi

 dans Celui Que je ne connais pas en soi,

Que je ne connais pas en dehors de moi,

Que je ne connais pas

comme je crois me connaître

ou comme je suis connu en soi

(ou crois l'être)

de Celui d'où je procède,

 

moi qui, d'où je parle,

regarde dans le miroir de l'énigme

et pose en original

la question qui ne l'est pas :

de la fatalité,

de la causalité fatale,

de l'enchaînement des circonstances,

de la duplicité dans la causalité

par où ce qui est cause de ma volonté

est aussi cause de sa fatalité,

 

de la duplicité d'un moi qui se tutoie

et qui s'il est double

et s'il se dédouble,

est habité par un ennemi qui le rudoie,

est en guerre contre lui-même,

contre quelqu'un,

se fait violence,

sépare,

est en lutte à mort en soi,

 

moi qui m'ennuie de la paix,

moi qui dis merde à la guerre,

moi qui m'arrache à tout ça,

à tout ça qui parle en moi,

à tout ça qui tant me brûle,

à tout ça qui tangue,

à tout ça qui tend,

à tout qui Satan...

 

 

Moi qui tendu

en tout endroit

ne sais où tourner mes pas

pour marcher à l'endroit,

ne sais où tourner mes pas

pour choisir

ou pour me convertir,

ni si choisir m'échoit,

et si je n'ai pas chu si bas

que je ne puis si peu

que choisir ou me retourner,

 

que je ne puis si peu,

moi qui sui descendance,

moi qui descends

vers quel instant,

vers quel instance,

vers quel Etant,

vers quel étang où se noie le moi qui tangue,

vers quelle enfance avec ses mots d'enfant

et ses "pourquois...

 

 

C'est toujours moi,

mais pourquoi moi... ?"

 

 

2. L'autre,

 

 

Il y a tant d'êtres

qu'on ne sait par où commencer.

Ils ouvrent tant de chemins,

il y a tant à commenter

 

qu'il faut se choisir un ami

à qui pouvoir s'identifier

ou bien encore un amour

en qui pouvoir disparaître.

 

Mais il y aura des frictions,

car nous n'avons pas les mêmes douleurs,

nous ne sommes pas affligés au même point,

au même endroit,

nous avons les différends de nos différences.

 

Des courants  alternatifs

nous relient, puis court-circuitent

nos plus belles relations,

aventures d'affection.

 

Nous sommes trop composites

pour ne pas être seuls

et la Solitude, voilà l'Epreuve.

 

Nous n'en sortons que par moments de Grâce

où ce qui déborde en nous,

ce sont des sentiments qui nous dépassent.

 

Il ne nous reste qu'à essayer

de vouloir malgré les érosions

et de faire de chaque journée

une tension de chaque instant

vers l'émotion de perfection,

 

à moins de sangler une carapace

et de combattre sans merci

avec la force de l'Autre

en marchant à la mort

dans une sceptique indifférence,

Les autres existent apparemment.
 
 
Julien WEINZAEPFLEN
 
 

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