L’inconscient est structuré comme un langage. L’inconscient
est le langage de ma structuration.
L’inconscient est l’irruption du mystérieux dans la
topique de l’intériorité. Mais la structure est l’antonyme du mystère. La
structure démystifie la mystagogie. Elle le fait sans qu’on puisse entrer à l’intérieur
et sans se donner la peine d’étudier le miracle, censé être l’exception qui
confirme la règle et qui, pour cette raison, devient le transparent ou objet
aveugle de l’observation.
Mais le langage pourrait aussi être l’antonyme de l’inconscient
si la conscience naît du langage et que l’inconscient soit, non l’antonyme,
mais le mystère de la conscience, destiné de ce fait à échapper au langage.
Toute topique de l’intériorité n’est qu’une
allégorisation par des mots personnifiants de ce qui se joue dans l’état d’âme,
changements statiques d’ontologie composant notre personne potentielle, pour
autant que nous ne soyons pas des composés spirituels nous déployant dans la
structure, étant précisé que ce mot d’ »âme » qui serait supposée
aller d’état en état, s’impose dans son évanescence statique à la topique de l’intériorité
pour échapper à toute allégorie, et pour entraîner le mystère dans le caractère
insaisissable qui nous assimilerait à Dieu sur le mode de l’impersonnalité.
L’inconscient frappe sourdement dans la topique de l’intériorité
contre la fuite de l’âme, en substituant ce qui est caché à ce qui ne peut être
saisi. Mais l’inconscient ne veut pas prendre, en miroir du conscient dont j’hésite
à parler comme de la conscience et qui serait le corps, la place de l’âme. Il
veut se cacher dans le langage et cacher la structure du langage au conscient
qui le met en parole et le met en action. L’inconscient ne veut pas se
confondre avec les serpents qui parlent, sonnent ou charment, et les reptiles qui habitent les cavernes saumâtres
et somatiques des demeures du conscient ou de l’âme. L’inconscient veut être un
demeuré du langage. Il ne consent pas à habiter en dehors du langage comme les
infra-langages de la musique ou de l’instinct aux prises avec la nature. L’inconscient
ne consent à être confondu avec l’instinct que s’il participe à l’action que mènent
la conscience et le corps, à condition que cette action ne naisse pas de la
pensée, mais soit conduite par le rêve.
L’inconscient ne participe aux dessous du rêve que comme
naissance des fantasmes à travers le langage. Le langage fait naître aux images
qui construisent les fantasmes. Les fantasmes peuvent être traduits dans la
topique de l’intériorité qui parle d’âme comme sa partie appétive, seule la
conscience étant sensitive, le sensitif ne rencontrant pas l’objet de l’appétif
dans la réalisation du fantasme.
Il y a au moins trois manières de naître pour les enfants
des hommes. La première est naissance à l’état sauvage ou solide en prenant
corps dans les actions organiques de la mère. La troisième n’est pas gazeuse,
mais à mi-route entre le spatial et le cérébral. L’esprit de l’enfant dont le
corps est enveloppé dans celui de sa mère est placé dans une enveloppe à bulles,
de part et d’autre de laquelle l’immergent en bas et émergent en haut les mots
du langage que l’enfant n’entend pas afin qu’il ne parle pas en naissant, qu’il
n’entend pas, mais qui l’imprègnent. L’enfant est couché sur les mots immersifs
d’en-dessous de la bulle qui se laissent crever sans résistance pour former avec
le liquide amniotique, bientôt remplacé par le lait maternel quand l’enfant
sortira de ces matrices, les images qui le rassérènent. En crevant les mots d’en-dessous
de l’enveloppe à bulle sous le poids de son existence comme en se baignant en
position fœtale dans le liquide amniotique, l’enfant se constitue son milieu
divin, qui est aussi sa seconde naissance, entre le solide et le spatial, le sauvage
et le cérébral. Toute la partie postérieure de l’enfant crève l’imaginal de
connivence avec la structure et la généralité empathique du monde où il prendra
naissance. L’assentiment de sa tête aux
images immergées est l’origine de son intelligence. Tout autre est la raison
qui se révolte attentivement contre l’énigme. La raison pousse à coups de pied
contre les mots de la partie supérieure de l’enveloppe à bulle. Ces mots en
sont crevés comme des excroissances ou des abcès. Les excroissances devenues
abcessives seront comme les absences et blessures que l’enfant infligera au
langage avant que la vie et son histoire ne l’aient frappé. Ces abcès seront ses
obsessions. Les excroissances ou mots crevés avec moins de violence formeront
les fantasmes moins douloureux de l’enfant, se dégageant simplement de la
coïncidence de son milieu divin et de ce qui devrait convenir à son âme. Ses
obsessions fixeront la perversité de l’enfant. Les fantasmes nés des
excroissances formeront les simples dissonances cognitives par lesquelles il devra
sublimer le malodorant en s’attachant par fétichisme à ses objets
transitionnels.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire