mercredi 28 mars 2018

Les enveloppes à bulle


L’inconscient est structuré comme un langage. L’inconscient est le langage de ma structuration.

 

L’inconscient est l’irruption du mystérieux dans la topique de l’intériorité. Mais la structure est l’antonyme du mystère. La structure démystifie la mystagogie. Elle le fait sans qu’on puisse entrer à l’intérieur et sans se donner la peine d’étudier le miracle, censé être l’exception qui confirme la règle et qui, pour cette raison, devient le transparent ou objet aveugle de l’observation.

 

Mais le langage pourrait aussi être l’antonyme de l’inconscient si la conscience naît du langage et que l’inconscient soit, non l’antonyme, mais le mystère de la conscience, destiné de ce fait à échapper au langage.  

 

Toute topique de l’intériorité n’est qu’une allégorisation par des mots personnifiants de ce qui se joue dans l’état d’âme, changements statiques d’ontologie composant notre personne potentielle, pour autant que nous ne soyons pas des composés spirituels nous déployant dans la structure, étant précisé que ce mot d’ »âme » qui serait supposée aller d’état en état, s’impose dans son évanescence statique à la topique de l’intériorité pour échapper à toute allégorie, et pour entraîner le mystère dans le caractère insaisissable qui nous assimilerait à Dieu sur le mode de l’impersonnalité.

 

L’inconscient frappe sourdement dans la topique de l’intériorité contre la fuite de l’âme, en substituant ce qui est caché à ce qui ne peut être saisi. Mais l’inconscient ne veut pas prendre, en miroir du conscient dont j’hésite à parler comme de la conscience et qui serait le corps, la place de l’âme. Il veut se cacher dans le langage et cacher la structure du langage au conscient qui le met en parole et le met en action. L’inconscient ne veut pas se confondre avec les serpents qui parlent, sonnent ou charment,  et les reptiles qui habitent les cavernes saumâtres et somatiques des demeures du conscient ou de l’âme. L’inconscient veut être un demeuré du langage. Il ne consent pas à habiter en dehors du langage comme les infra-langages de la musique ou de l’instinct aux prises avec la nature. L’inconscient ne consent à être confondu avec l’instinct que s’il participe à l’action que mènent la conscience et le corps, à condition que cette action ne naisse pas de la pensée, mais soit conduite par le rêve.

 

L’inconscient ne participe aux dessous du rêve que comme naissance des fantasmes à travers le langage. Le langage fait naître aux images qui construisent les fantasmes. Les fantasmes peuvent être traduits dans la topique de l’intériorité qui parle d’âme comme sa partie appétive, seule la conscience étant sensitive, le sensitif ne rencontrant pas l’objet de l’appétif dans la réalisation du fantasme.

 

Il y a au moins trois manières de naître pour les enfants des hommes. La première est naissance à l’état sauvage ou solide en prenant corps dans les actions organiques de la mère. La troisième n’est pas gazeuse, mais à mi-route entre le spatial et le cérébral. L’esprit de l’enfant dont le corps est enveloppé dans celui de sa mère est placé dans une enveloppe à bulles, de part et d’autre de laquelle l’immergent en bas et émergent en haut les mots du langage que l’enfant n’entend pas afin qu’il ne parle pas en naissant, qu’il n’entend pas, mais qui l’imprègnent. L’enfant est couché sur les mots immersifs d’en-dessous de la bulle qui se laissent crever sans résistance pour former avec le liquide amniotique, bientôt remplacé par le lait maternel quand l’enfant sortira de ces matrices, les images qui le rassérènent. En crevant les mots d’en-dessous de l’enveloppe à bulle sous le poids de son existence comme en se baignant en position fœtale dans le liquide amniotique, l’enfant se constitue son milieu divin, qui est aussi sa seconde naissance, entre le solide et le spatial, le sauvage et le cérébral. Toute la partie postérieure de l’enfant crève l’imaginal de connivence avec la structure et la généralité empathique du monde où il prendra naissance.  L’assentiment de sa tête aux images immergées est l’origine de son intelligence. Tout autre est la raison qui se révolte attentivement contre l’énigme. La raison pousse à coups de pied contre les mots de la partie supérieure de l’enveloppe à bulle. Ces mots en sont crevés comme des excroissances ou des abcès. Les excroissances devenues abcessives seront comme les absences et blessures que l’enfant infligera au langage avant que la vie et son histoire ne l’aient frappé. Ces abcès seront ses obsessions. Les excroissances ou mots crevés avec moins de violence formeront les fantasmes moins douloureux de l’enfant, se dégageant simplement de la coïncidence de son milieu divin et de ce qui devrait convenir à son âme. Ses obsessions fixeront la perversité de l’enfant. Les fantasmes nés des excroissances formeront les simples dissonances cognitives par lesquelles il devra sublimer le malodorant en s’attachant par fétichisme à ses objets transitionnels.

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