jeudi 21 novembre 2024

L'île du coeur

"Je crois bien que j'ai trouvé mon ciel sur la terre, car mon ciel, c'est Dieu et Dieu est dans mon âme" (sainte Élizabeth de la Trinité).

 

 

- "Une île, entre le ciel et l'eau." Tant qu'il y aura des îles... Mais y a-t-il de l'eau dans le coeur ? Il faut que je demande à l'éclusier, si le coeur est une écluse, une cage à étages qui renferme l'amour.

 

- Mais non, mon gros bêta, s'il y avait de l'eau dans le coeur, il ne battrait pas ! Il ferait comme ta montre qui n'est pas une montre de plongée. Ce n'est pas la vocation du temps de plonger dans l'homme, mais celle de l'homme de plonger dans le temps pour en tirer à coups de "quand" les souvenirs du fond du sac. Dans le coeur, il n'y a pas d'eau, mais il y a des aiguilles : les aiguilles du souvenir qui marquent la tristesse ou la joie, suivant qu'on est plus ou moins porté à aimer l'une ou l'autre. Dans le coeur, il n'y a pas d'eau. Le coeur est entre l'eau. Est-ce à dire qu'il faut y laisser entrer l'eau ? C'est affaire de qui veut couler, car l'eau est toujours celle du remords. L'île du coeur habite à côté de l'eau de la mort, mais l'eau de la mort ne doit pas inonder l'île du coeur, sous peine de lui masquer le ciel. Est-ce la vocation de la mort de noyer le ciel ? La vocation de la mort est d'y faire monter, non de le noyer. Le ciel, ça ne case pas des pipes ! Mes réponses non plus ne cassent pas des briques, mais je deviens casse-noisettes et toi, ton coeur se brise. Ton coeur se bat pour que tu vives. Il enferme ton sentiment dans l'intelligence pour que celui-ci ne te détruise pas. Il ne faut poser de questions qu'entre deux battements de coeur.

 

 

 

- Alors dans le coeur, y a-t-il de l'air ?

 

- "Maman, les p’tits bateaux qui vont sur l'au ont-ils des jambes ?" "Mais non, mon gros bêta, s'ils en avaient ils ne marcheraient pas !" Hé oui, mon joli candide, dans le coeur il y a de l'air, ou plus exactement autour du coeur, mais pas autour comme l'eau qu'il s'agit de ne pas laisser entrer pour ne pas être noyé par une passivité eirrespirable. L'air justement, il faut l'inspirer pour oxygéner le sang. Cet air azoté quand il sort de nous nous purifie quand il y entre. C'est ce qui entre en nous avec l'intention de sortir qui nous est bénéfique.

 

L'air nous fait du bien. Je t'ai parlé des jambes des petits bateaux. As-tu remarqué que nous n'avons que les pieds sur terre? Tout le reste de notre corps et surtout notre nez vit dans l'injonction du ciel, dans sa nostalgie, est attiré par le ciel, mais est cloué par la terre fixiste dans l’appesanteur gravitationnelle. Tout ce qui fixevoudrait nous rassurer, mais c'est une réassurance trompeuse. La terre que nous croyons imobile ne cesse de tourner et nous n'en sentons rien, mais c'est dans ce tournoiement que notre vie s'émerveille. C'est ce tournoiement qui excuse la terre de nous clouer à elle. L'air n'a pas ce pouvoir de tourner toujours dans le même sens, ni cette prétention de se fixer en nous. Il nous visite imprégné de la part du monde qu'Il a visitée et va visiter le monde imprégné de nous, purifié à chaque fois avant d'entrer, non de ce qu'il frappe comme l'orgue du coeur à tuyaux sanguins, mais de ce qu'il voyage. L'air, c'est un courant qui relie en déplaçant et un courant d'air, ça brise le coeur, ça déchaîne une passion qui fait semblant de s'en aller, mais ça relie matériellement les êtres entre eux, pas comme le regard qui décrit en clinicien ou communie en psychologue technicien.

 

Il y a de l'air autour du coeur. L'air est le soleil de l'île du coeur, mais il ne la brûle pas, il n'échauffe pas. Il atténue les passion en s'en faisant vecteur. En les prenant sur son dos, il ne les assure pas de ne pas tomber. Il les enveloppe de temps sans durée pour qu'elle ne nous tombe pas trop lourdes sur le coeur,  écrasantes de la masse d'émotion qu'elles contiennent en puissance de foudroyer d'un coup. L'air nous communique le monde, mais non pas à la manière dont le monde habite la terre. L'air nous le communique un peu comme un ballon. L'enveloppe du ballon dégonflé, c'est l'air. Si nous gonflons le ballon, nous le sentons prendre sa forme, mais le monde qui paraît craquer s'envole avant, et nous pouvons même en faire un ballon dirigeable avec attaché sur lui un message de paix, alors que si nous recevions le monde comme il habite la terre ou comme le regard électrocute, nous recevrions un bloc qui nous momifierait, nous si petits et lui si grand, si riche de tant de vies qui s'écrasent dessus, lui si petits et nous si grands, nous qui aimons bien le grand monde, mais qui préférons encore notre petit monde intérieur parce que les dîners en ville quand on a passé la quarantaine, ce n'est pas bon pour le coeur : trop de cholestérole, ça donne des infractus ! L'air nous communique le monde qu'il enclot dans notre coeur.

 

 

 

- Mais maman, sur l'île du coeur, y a-t-il de la terre ?

 

On est passé de l'éclusier à la boulangère, car la boulangère pétrit la terre et

 

- de vrai, la terre est la farine dont on a fait l'homme. Le Pain de vie avait un précédent : Dieu avait pétri l'homme à partir de la poussière. L'homme est une créature pulvérisée. L'homme pétrifié sorti des mains de Dieu avait un coeur de femme. Sa pétrification l'a rendu coeur d pierre, mais il n'est pas dans la nature du coeur de gravir les montagnes ni même de les déplacer pour faire paysage avec elles. Le coeur est un modeste, un terreux, un terré qui aime le grand monde, mais plus encore le petit, qui n'a de prétention qu'à l'imagination et qui ne se prévaut pas de battre, qui n'est pas fâché non plus avec la terre, qui ne la considère pas comme une exilière, mais comme une auxiliaire qui l'aide à battre. Le coeur et la terre battent le blé humain. L'homme en meurt, qui les épuise, mais "si le grain de blé ne meurt...

" On connaît la suite. Il y a donc de la terre dans le coeur au sens où la terre, matière du coeur, est irréductiblement matérielle, et destinée comme le corps à ce qu'on la ramène à ce statut d'infamie selon lequel la terre meuble ne serait pas noble, car il n'est pas noble d'être le meuble de quelqu'un ou le jouet, le ballon d'un enfant.  La terre meuble et le corps ne seraient donc pas nobles, aveuglés par le regard qui rôde pour mieux momifier d'électrocution tout ce qu'il prétend apprivoiser et qu'il attache à soi.

 

Coeur, n'aie pas honte d'être enfant de la terre, puisque Celui Qui est descendu du ciel n'a pas non plus  rougi d'être applé Pain de vie ou Fils de l'homme pour que nous soyons appelés enfants de Dieu et nous le sommes. Ne te révolte pas de n'être qu'adopté :  il faut te défaire du préjugé bourgeois que l'adoption porterait la marque de la bâtardise qui serait une tare ou de l'infamie dont on couvre les mères porteuses. Il n'y a pas d'adoption contre laquelle on doive se récrier, où l'affection a opéré une pater ou une maternification, une patrification qui joue à revers de la pétrification dans laquelle on a vu l'homme sortir à l'état brute, juste surgi des mains de son Père Dieu, comme on le retrouve pétrifié à chaque naissance au sortir du ventre maternel, brute, sans langage, sans état de conscience, sans conscience qu'il est un homme, tout juste criant et pleurant de devoir vivre, ne sachant s'il a été tiré du néant pour cela, mais sentant que ça le gêne parce qu'en naissant, il contracte une dette que le créancier risque de n'avoir de cesse de lui rappeler et de lui réclamersa vie entière, lui qui étant trop pauvre n'aura jamais de quoi la rembourser.

 

Il y a de la terre dans ton coeur, mais il ne faut pas que tu croies que la terre te statufie, te bustifie. Il ne faut pas que tu aies les ambitions d'un François Mauriac, écrivain aux mains jointes qui n'avait qu’un but dans la vie : qu'on lui fît un buste dans son lycée du vieux Bordeaux, son "Bordeaux intérieur" comme il disait, luiqui comme ils disent avaient des tendances qu'il n'a pas assouvies, mais pourquoi taguer sur les murs de la vie privée ? Il ne faut pas que tu te ratatines dans l'ambition d'un Sartre qui se met en devoir d'exister parce qu'un jour, son Roquentin de héros s'est aperçu en regardant un arbre qu'il y avait incohérence à ce que les racines d'effritement débouchassent en grimpant sur un tronc si solide. Il faut que tu te réconcilies avec la terre, car elle est un fondement très solide de l'existence. Tu n'as aucune raison de la mépriser, elle ne t'a rien fait, elle ne t'a fait que du bien : elle t'a accueilli, elle te le rappelle un peus ouvent, c'est vrai, mais que veux-tu ? La terre est un peu matronne et elle n'est pas le ciel : elle est sa gouvernante. Le ciel comme tout prêtre avait besoin d'une bonne, il a trouvé la terre qui a été assez poire pour te donner du fruit défendu et à lui bien du soulagement.

 

 

 

- Y a-t-il du ciel dans le coeur? Mais j'y pense, le ciel est-il un élément? On n'en parle jamais dans ma nomenclature tactile.

 

- Tu penses, mais sais-tu définir le ciel ?

 

- Quand j'étais petit...

 

- Tu reviens toujours à ce que tu faisais quand tu étais petit ou à ce que te disait ta maman.

 

- C'est que l'enfance fait partie de nos incunables. Qui saura faire comme si l'enfance n'était pas faite pour que l'on pleure dessus ? Nous sommes tous des enfants inconsolables. Ma maman me disait donc comme tu l'as deviné quand j'étais petit et que je croyais aux petits bateaux comme le père Noël que le ciel était bleu, que le ciel était au-dessus de ma tête, cette tête avec laquelle j'avais l’heur de réfléchir, et que le ciel était immense, illimité, et que je n'avais pas seulement Dieu pour horizon de mon coeur : je pouvais bien mieux me glorifier d'être la demeure de Dieu et que Dieu se soit fait une retraite de l'île de mon coeur.

"Mais si le coeur est une île, a-t-on jamais vu une île qui bat ?" lui demandais-je.

"J'ai déjà résolu la question du matérialisme" me répondait-elle. "Tu es cartésien et veux pousser l'âme et le corps au divorce. Ou bien c'est que tu te situes plus dans le conflit que tu ne le crois ou ne le voudrais. Le problème n'est pas là te dis-je, crois-moi, crois-en l'amour de ta mère. Je ne te blâme pas d'être dans le conflit, de te situer là comme on se veut de quelque par où l'on s'ensevelit : tu fais comme un chacun, tu te bats la coulpe. Aujourd'hui les psys ont appris à dire aux gens qu'ils se culpabilisent, c'est par litote, ça fait plus doux ! Tu te bats comme tout le monde avec le péché originel parce que tu te demandes le pourquoi de cette coulpe. Tu te demandes pourquoi tu serais coupable avant d'être né ou comment tu aurais chu avant d'être aimé. Crois-tu qu'il ne m'ait jamais effleurée que je fusse coupable de t'avoir mis au monde, non seulement parce que le monde est en crise et que la vie est une tourmente, mais parce que je t'ai inoculé comme on l'a fait pour moi la responsabilité d'une faute que tu n'as pas commise. Ton problème humain n'est pas de divorcer, mais de te marier avec toi-même.

 

De ce que les îles sont séparées du reste du monde par des bras de silence, vas-tu te demander si elles sont seules sur  terre ou bien n'y habitent pas ? Non bien sûr.  Alors il faudra bien que tu t'acclimates à l'idée que tu n'es pas seul au monde, que le monde est ton allié et qu'en même temps, tu ne sois pas rebuté à l'idée d'avoir une âme qui habite en toi, d'être la demeure de quelque chose qui te fait battre la pensée comme un divin prémice. Ceux qui se demandent si le ciel est un élément matériel se la jouent quand ils se trouvent investis d'une âme, mais le ciel horizontal n'est-il pas aussi celui des idées? Platon n'en doutait pas, il a eu son brevet de philosophie dès avant le certificat d'étude. Le ciel est une idée ou plus exactement, tout est précédé dans le ciel d'une idée et l'idée t'agite, te bat dans le corps, le corps est un agitateur d'idées... Les idées s'agitent dans ta tête à te faire exploser le crâne, à te traumatiser crâniennement, à te faire frimer de génie. Si ton coeur est une île, c'est l'île du ciel car il bat au rythme des idées en commençant par te donner l'idée de toi-même.

 

Mais je sens bien que trépignant, tu répugnes à l'idée que le ciel ne soit renfermé en toi que dans l'idée et au plus creux de l'idée, dans l'idée rachitique que tu te fais de toi-même, non que tu ne te surestimes pas, mais c'est si petit un moi à l'échelle du monde ou à l'épreuve de l’univers.

 

- À propos, le monde serait-il une échelle qui pourrait mener au ciel ?

 

- Il est vrai que le ciel dans sa rétractilité a joué de sa propriété pour s'abîmer dans cet île du ciel qu'est ton coeur où il habite. À propos, par égard pour lui, tu pourrais ériger à l'entrée de ton coeur cette enseigne : bienvenu sur l'île du ciel ! Comme ça, il y aurait un petit peu plus de chances pour que ceux que tu aimes ne le prennent jamais pour un hôtel encore qu'il se trouve, c'est vrai, des gens qui sont assez lourdement touristes pour n'aimer les îles que parce qu'elles sont dans le Pacifique et que le ciel et la mer y sont bleus, mais console-toi de ce que le ciel se soit rétracté en entrant en toi parce que tu aurais été trop matériellement petit pourl'accueillir s'il s'était présenté comme hôte en tout son gigantisme ! Console-toi : je suis ta mère, il est juste que je te console. Je sais que tu recherches les consolations de Dieu au lieu de chercher le Dieu des consolations. Ne parlons même pas de Boèce qui écrivit la Consolation de philosophie ! Je sais qu'il se trouvera des psys enfiévrés pour dire que si j'interviens à ce stade ultime de ton écrit puisque ce poème est le dernier de ton Élémentaire d’épreuves, c'est parce que petit, tu n'as pas trouvé de consolation dans ma manière de te faire arrêter de pleurer. Je me console : les psys disent toujours du mal des mères, sans compter qu’un plus grand venain te guette : tu entendras des gens beaucoup plus sournois et sérieux, de ceux qui transposent toujours les moindres choses sur le plan le plus élevé faute d'inclination pour l'inclination, en un mot des saints tristes ou de tristes saints pour afirmer à l'opposé des psys qu'il n'y a de consolation qu'illusioire et qu'en tout cas, il ne faut pas en chercher dans l'oraison du dessèchement où Dieu ne dit jamais rien et où c'est tant mieux qu'on ne Le sente pas, mais qu'on y croie ! Il y a du vrai dans cette parole des tristes saints qu'on n'est jamais consolé en ce moonde, qu'on n'est jamais consolé de vivre, du moins c'est ce qu'on croit, car si "de trop vivre, ça fait mourir", la mort n'est qu'un auxiliaire de la beauté, qui nous fait pleurer pour mouiller la terre d'une manière acceptable et non statique. Je sais donc d'avance que mes consolations ne te consoleront pas, mais cela ne doit pas m'empêcher de te dire pour la gouverne et satisfaction de ton intelligence, cela ne doit pas me servir de prétexte à retenir et à garder pour moi qu'il est heureux que le ciel se soit rétracté en toi comme il fut heureux au moment où Jésus a été transfiguré devant eux que Pierre, Jacques et Jean aient été là. Le ciel en se rétractant a concentré toute sa grandeur déployée dans une intuition extrêmement magnétique, car tout ce qui se cherche un centre fait de ce centre une fois trouvé un point géométrique au pouvoir d'aimantation démentiel ! Un pouvoir attractif que c'est le drame de la terre de ne pas avoir, elle qui est privée de centre et de ligne imaginaire. Les médiévaux n'étaient pas si bêtes de l'avoir faite plate. Ils voulaient la consoler ou se consoler d'elle. Toi, mon inconsolable, tu as un centre et le ciel s'est magnifiquement concentré pour venir, comme s'il n'était qu'une modeste potentialité comme toi, habiter ce centre. Quand tu grandiras, tu verras, mon homme, tu te prendras de passion que tu croiras adoratrice pour les narcissiques idéales qui se réveillent chaque matin en se prenant pour le centre du monde et en croyant qu’on doit les adorer. Dois-je te prodiguer ce conseil maternel de te diriger vers le centre de toi-même ou du moins te creuser si profond que tu le trouves ? Mon conseil, tu ne le suivrais pas et ton corps ne te le permettrait pas. Seulement, mets ta main sur ton coeur : tu sentiras comment palpite le ciel ! Tu sentiras, non pas le ciel manger dans ta main, non pas ta main manger le ciel (la paume de ta main n'est pas une dévoreuse, c'est une caresseuse comme les femmes langoureuses, qui croient qu’on doit les adorer d’être gourmandes et paresseuses), mais le ciel se poser sur ta main pour que si tu la retournes et si tu caresses, palpite la peau de qui tu accroches, toi, non pas la gouvernante, mais le gouvernail du ciel qui le mènes en bateau de l'île de ton coeur aux îles d'altérité loyale en passant sur la mer du siècle et du monde. Tu deviendras enseigne de vaisseau et si tu poses une nouvelle fois ta main sur ton coeur, tu sentiras aussi que je suis ta mère, moi ou le Cœur immaculé de Marie, si tu ne peux souffrir que ta mère ait fait des choses ! 

samedi 26 octobre 2024

Maman peinture

 

MAMAN-PEINTURE

 

 

On m'a dit, Maman, que tu étais douée...

Dis-moi : comment tu fais pour y arriver  ? !

Moi, je crois que si je devais peindre une toile,

Je regarderais et puis... Je mettrais les voiles.

 

Je suis touché, tu dis que je suis un artiste.

Je ne sais pas, je crois que je suis très sensible,

Mais je pense être aussi de nature égoïste :

quelle est donc l'unité où je serai crédible ?

 

Maman, y a-t-il un lien entre être artiste et triste,

Lorsque s'éclaire un rai de générosité

et que l'on trouve ça si beau, si fantaisiste,

que, comme un rien, on pourrait se mettre à pleurer ! ?

 

Je n'ai jamais appris ce que c'est dessiner...

Pourtant je le devine et m'y suis essayé.

Ne voyant pas, ce m'est un talent difficile

Que celui de trouver des formes volubiles.

 

On sent que le papier sait dire franchement

Que, tout comme une femme, il veut qu'on le caresse ;

Il ne faut pas remettre et différer longtemps

Ni lésiner de l'encre à chatouiller ses fesses.

 

Angoisse est l'écrivain devant sa page blanche,

Mais se ressaisit car le papier est cassant...

La toile elle intimide et veut que l'on s'épanche

Et qu'on n'ait pas choisi sa matière en passant.

 

Il y a certain bruit que fait quand on le touche

Le papier qui se rit de nos mains mal à l'aise ;

Mais la toile se crispe, elle joue les farouche

Et les frémissements de femme en charentaises.

 

Il y a certain bruit: le papier se chatouille

Mais se reprend sitôt et jamais ne s'emballe ;

Le pinceau se prépare... Attention... Il se mouille !

La toile est comme lui, ils sont vraiment aux poils...

 

Le pinceau est velu et se trouve virile :

Il sait que la toile aime à crier qu'elle a mal !

Pourquoi voudriez-vous que pour elle il s'épile ?

Entre elle et lui, ces cris sont un jeu très banal.

 

Il ne fait que la picoter de rêchottes morsures.

Elle de se récrier : "Au secours, ô blessures !"

S'ils jouent à tout cela, c'est qu'ils s'entendent bien,

Et la toile sera réceptive au dessin.

 

 

Je te revois, Maman, tous tes pots de couleur

Posés tout près de toi, visant le chevalet ;

Ces couleurs qui pour moi n'étaient que des odeurs,

Qu'un badigeon qu'à la toile, je jalousais.

 

Car j'aimais bien les crèmes et les froides pommades

Qui promettaient ses chances à tout mon épiderme

D'aimer qu'on le badine, pas autrement malade

Qu'en son désintérêt pour tout travail charnel.

 

Je voyais les couleurs en sentant les dessins

Et je t'écoutais peindre ou, par intermittences,

Plongée dans tes couleurs, promettre à la nubile

Le maquillage au lait qui la rendait fébrile.

 

Et ta main n'était pas étrangère à sa fièvre,

Qui, quand elle caressait, était un peu râpeuse ;

Mais c'était une main-pinceau sans gants ni mièvre

Qui veloutait la toile en satin de vareuse.

 

 

C'est vrai qu'assis à ne rien faire, souvent,

A m'emplir de senteurs qui ne me gênaient pas,

Je m'ennuyais et je sentais passer le temps :

Je n'étais qu'un enfant, un vrai, tu ne crois pas ?

 

Mon imagination faisait tous mes voyages

Sans bagage au jardin devant notre villa.

Rien n'était plus lointain pour moi qu'un paysage,

Que  tu reproduisais, je ne savais pourquoi.

 

J'aimais beaucoup rêver  - toucher m'était hostile -

A des guili-guili, à rire dans tes bras.

Car j'étais un enfant, un enfant paraît-il

Prolixe en anecdotes à ne s'arrêter pas.

 

Je te déconcentrais, je ne pouvais me taire,

tu m'envoyais alors voir si dans la cuisine

Tu n'étais pas... Et moi, j'y vais et puis je flaire :

"non non Maman, dans la cuisine, tu n'es pas."

 

Moi, j'étais un enfant  à tête et à longs cils,

Tout fou d'être écouté et d'entendre à la fois ;

La peinture entre nous coupait les petits fils

De causants entretiens que tu ne boudais pas.

 

En soi, l'ubiquité ne m'aurait gêné guère,

Mais l'habitude était ancrée qu'on n'y crût pas.

Je regrettais peut-être un peu que sur la terre,

On ne pût être qu'à un endroit à la fois.

 

Dans le dessin, c'était ce qui me gênait le plus :

Que l'on reproduisît les anges déjà là.

Sur tes portraits parfois, on pouvait être vu

Alors que chaque jour on parler avec toi.

 

 

Je n'aimais pas que tu figurasses des natures mortes :

Que venais-tu fouiller dans les ombres du paradis...

Puisque tu savais peindre plus intéressant qu'une carotte ?

J'ai toujours cru et attaché à l'homme un trop grand prix !

 

Tu faisais beaucoup de portraits d'enfants,

Tu inventais des contes éducatifs.

Tu voulais faire aimer le différent

A l'enfant ballottés et agressif.

 

Amnistie internationale t'employait

Pour composer semblables bandes dessinées

Où, à travers le différent, c'était

Peut-être moi que tu faisais aimer.

 

Maman, je n'ai pas dit que tu peignais pour moi,

Car tu avais un don et tu le travaillais.

Et tu voulais m'ouvrir au travail de tes doigts,

Pour m'initier à ta couleur, à tes secrets.

 

 

 

Je ne regrette pas ces heures ennuyeuses

Où t'écouter peindre ne me suffisait pas

Et où je te forçais à mesure de creuses

Questions  à quitter ton élément à toi

 

Que j'avais beau aimé apprendre, que veux tu ?

J'estimais en avoir carrément fait le tour...

Si tu m'avais joué un petit impromptu,

J'aurais pu t'échanger quelques notes de cour.

 

Tu me disais : "Imagine-moi travaillant !"

Mais le charme en était monotone et déjà

(Je n'aurais pas été un véritable enfant),

Je ne m'intéressais qu'à ma maman à moi !

 

Et pourtant j'aurais dû deviner tes palettes

Et chercher davantage à comprendre ton style ;

Mais ayant trop tendance à vivre dans ma tête,

Le voyage en couleurs m'était trop difficile.

 

L'archet de mon violon n'était pas militaire,

J'aimais mieux me couler dans une évasion

Où je prenais sur moi un envol salutaire,

M'enchaînant à tout fuir dont je saurais le nom.

 

La peinture se moulait dans cette limbe douce ;

Je n'étais pas friand que tu me décrivisses

Ton dessin, ses enfants et leur jolie frimousses :

Ils me privaient de toi, envahissant notre isthme.

 

Je m'en faisais musique à notes débridées

Et plus tard harmonies où pleuraient des accords.

Moi, le compositeur aux bains du gynécée,

J'improvisais dans le sang de tes enfants morts...

 

 

 

J'avais horreur des larmes et du lait, pas de l'eau,

Je n'aimais le liquide que fluide et blanc-sirop.

Je trouvais la saveur perfide à la beauté,

Moi que seules des caresses savaient enchanter.

 

Je n'étais pas Oedipe et j'aimais bien mes frères,

Et j'étais trop  petit pour affecter la mort,

Mais j'aimais jouer seul du piano pour ma mère

Et cherchais tes pinceaux dans mes frasques sonores...

 

Paris, le 13 mai 2000 

mercredi 16 octobre 2024

Aurore boréale

Et  pourtant l’attente est notre tente

 

 

Certains soirs les dieux abreuvé par notre espoir en redemandent

Ils s’envirent à nos poèmes et le forment en hymnes

Alors nous chantons en chœur céleste

Et nous élevons à la hauteur du mot AMOUR

 

Aucune question  ne paraît à la hauteur des étreintes

Que nous nous offrons comme grappa en automne

Les fêtes aux corbeilles débordantes nous chavirent

Noyant nos anciens chagrins à la même altitude que l’écume

 

Les doigts se précipitent sur le clavier pour entendre une musique

Inspirée par toute autre chose que la vie ordinaire

Et je fuis les romans pour rejoindre les montagnes de prières-

Destinées de la grâce je vous rends hommage

 

J’ignorais jusqu’à presque aujourd’hui la variété de graminées

Cueillies au pied des trottoirs grandis en arbres :

La lune parfois brille autrement que derrière les fenêtres

Car elle est descendue jusqu’à l’enfant que je fus et demeuré

 

Alors je reçois le conte tel qu’il se donne et le distribue en aurore boréale.

 

 

 

 

                          Pascal Payen-Appenzeller

mardi 15 octobre 2024

LE MOI

La vie est difficile pour moi...

Comme pour tant d'autres bien sûr,

mais pourquoi toujours les autres ?

Les autres bien sûr, pourquoi pas ?

Mais aussi moi,

 

non tellement les autres...

que moi :

non tantum, sed etiam...

 

Pas toujours les autres,

moi aussi...

 

Non tellement les autres...

que moi :

 

Non, les autres pas tellement,

mais moi...

 

Non les autres pas trop encore,

mais moi au contraire, tellement...

 

Les autres, on le dit bien sûr,

mais les autres, c'est des "on dit"

alors que c'est tellement, moi,

tellement vrai,

que tantum-quantum :

 

pour combien d'autres... moi ?

Pour quel quota d'autres... moi ?

Pour quelle quantité d'autres... moi ?

 

Non, pas les autres,

pas du tout,

que moi ! :

 

les autres, c'est tellement des "on dit",

c'est tellement quantité négligeable

par rapport à moi,

ne serait-ce que parce que les autres,

ça s'en fout de moi

alors que moi,

est-ce que je m'en fous des autres ?

 

Et puis les autres,

ça vit sa vie,

c'est affranchi de moi,

C'est pas seul :

non solum, sed etiam... !

 C'est pas seul, les autres,

puisque c'est pas avec moi,

pas du tout !

Est-ce que moi je m'en fous des autres ?

Pas du tout.

 

Alors non,

pas du tout les autres,

seulement moi,

non seulement les autres,

mais aussi moi...

Non, pas les autres,

seulement moi,

 

non que les autres,

mais moi...

 

Et puis les autres, non solum

alors que moi, seulement etiam,

seulement aussi,

moi solum, moi seul,

au sol, moi seul.

(c'est bizarre comme il n'y a que moi qui ai mal

quand je dis que j'ai mal à mon moi !)

 

Les autres, c'est tout des racontars,

Mais c'est un fait que moi...

Les autres peut-être, bien sûr,

mais moi, c'est affecté,

c'est factuel,

 c'est sûr,

moi c'est certain,

je le dis,

 

moi, c'est pas du cinéma

alors que les autres, ça se dit, ça se montre,

les autres, c'est des monstres,

c'est des monstres d'égoïsme

qui ne pensent jamais à moi,

sauf quand ça leur chante :

"Tiens, ça me chante,

je vais téléphoner à ce moi,

car j'aime bien sa musique intérieure,

il est apaisant,

ça fait du bien de l'entendre

et de parler de soi avec lui !"

 

Sur les autres, ça se dit,

ça se raconte,

mais est-ce qu'on sait ?

Et puis, ce qu'on sait sur les autres,

est-ce que ça se raconte ?

 

Non, ce qu'on sait sur les autres,

ça ne se dit pas.

Parler sur les autres,

ça ne se fait pas :

 

 

 

pas autant les autres...

Que moi,

pas seulement les autres...

Mais moi.

Non seulement eux,

mais mois aussi,

moi d'abord,

moi surtout,

 

 

 

moi sur tout,

moi par-dessus tout,

moi parce que, par-dessus tout,

je m'intéresse aux autres,

 

moi qui m'intéresse aux autres,

qui m'entremêle, qui m'entremets,

qui m'entremets, qui m'entremêle,

qui mélange leurs couleurs de vie,

moi qui entre-est,

qui m'interpose,

qui interviens,

 

moi de l'intérieur de qui tout se voit,

en qui tout joue sa synthèse,

 

 

 

non que je sache ou sente tout,

mais tout se joue en moi,

tout passe par moi,

tout me traverse par-dessus les naufrages,

 

 

non que je m'intéresse à tout,

mais je respire...

 

 

non que je ne m'intéresse qu'à moi non plus,

à moi particulièrement,

à moi par-dessus tout,

et que je prenne les autres par-dessus la jambe

pour les jeter à la mer

parce qu'ils ne sont qu'au bord de moi,

 

mais je suis source de tout pour moi,

de tout ce qui se passe et que j'apprends en moi,

et que je prends pour moi ;

 

tout ce qui vit passe par moi,

à travers moi,

 

je déforme tout qui se comprime en moi,

mais ne m'imprime rien qui ne passe par moi,

zone franche et où l'on entre sans droit,

 

 

non que je ne caresse que moi...

Mais...

 

 

Non que je ne regarde que moi

même si après tout, les autres, comme dit,

ça ne me regarde pas

et que se mêler de ce qui ne nous regarde pas,

cela ne se fait pas...

 

 

Mais...

 

 

Non que je sois égoïste

et ne tienne qu'à moi,

et ne tienne comme Pascal le moi, cet iste, pour haïssable...

 

Mais moi, pascal,

moi qui suis passage,

moi qui suis de passage,

moi, je l'avoue,

je suis narcissique

à défaut d'être égoïste

et encours à la bourse des sentiments cette critique

que je ne mesure le cours

de rien que je ne fasse partir de moi,

 

 

non que je m'intéresse à moi...

Mais je m'entretiens,

car on n'est jamais mieux servi que par soi-même

pour trouver un interlocuteur ;

je m'entretiens de ce qui est

et j'entre-est...

 

Moi à quoi rien n'est si contraire que le non-être,

moi à-quoi, source  et non but...

 

 

 

Non...

Mais...

NON...

Sed...

Latinisme et balancement

en vertu de quoi rien n'est

que par rapport à la proposition contraire,

 

 

non que le non-être ne soit que le contraire de l'être,

car certes, il n'y  a pas du tout de non-être dans l'être :

 

Il n'y a dans le non-être

qu'une manière de cerner apophatiquement

la définition humaine

qui, quand elle se rapporte à l'homme,

embrasse aussi les femmes... :

 

 

..."Non mais oh ! 

Ca devient trivial,

ça devient grave et graveleux,

ça devient gras, 

Le niveau baisse,

tout fout lecamp."

 

C'est la trivialité de ce qui s'entremêle,

de ce qui s'interrompt pour se lire à plusieurs niveaux,

de ce qui mélange les niveaux,

de ce qui se met au niveau,

de ce qui s'intéresse et...

Se suce :

 

 

"Non... mais hé... ?"

"Hé ho, ho hé, Roméo, saint-Charles de Boromée,

pas de ça devant les enfants !"

 

Et puis quoi ?

"Tous ensemble, tous ensemble, ho, ho !"

Mais pour quoi faire et quoi derrière, hé, hein ?

Manifestation sans appel d'un appel à l'aide

et puis c'est tout,

et puis c'est rien,

que la répercussion du non-sens sous le préau des collectifs :

"Monde solidaire,

notre vie est un grand chantier... !"

 

 

 

Moi, par un juste retour des choses, faisant retour sur moi, moi pour vous,

parce que j'ai le respect du lecteur

et que le respect du lecteur

est une valeur déontologique...

 

 

Non...

Mais...

 

 

Moi qui n'en peux mais,

mais... que tout concerne,

que tout consterne,

 

moi qui n'en peux mais,

Mais... qui veux tout

(tout, c'est un peu trop),

tout endurer, tout supporter

pour tout soulager,

 

moi qui n'en peux mais,

mais... Sainte Thérèse de l'enfant Jésus non plus,

patronne des missions,

 

moi qui n'en peux mais,

mais... qui ai ma volonté de puissance à moi,

 

à moi qui n'en peux mais,

mais... qui ne suis pas double,

mais multiple,

sur qui tout dribble, rebondit,

en qui tout se rétracte et se multiplie à l'envi,

qui envie tout et ai envie de tout,

 

moi qui n'en peux mais

et qui Dieu sait ne suis coupable de rien,

mais... me sens responsable de tout

et réponds de tout

parce que respondere,

c'est ne jamais être absent,

 

moi sur qui tout pèse

et qui veux peser sur tout

parce que pondere,

ce n'est pas être modéré,

c'est avoir la gloire

ou au moins sa part ;

 

moi qui veux peser sur tout

parce que pieux, j'ai pitié de tout,

parce que j'aime tout,

 

moi qui n'en peux mais,

qui n'y peux rien,

mais qui veux tout pouvoir

pour tout bouleverser

et peser sur tout

pour tout apaiser,

 

moi qui recherche, franchement, ma propre zone de paix

bien que je ne croie pas à la vertu dynamique

de la paix couarde,

 

moi qui suis le destinataire prédestiné

de la totalité de la fatalité,

 

moi que tout a attiré à terre,

mais qui la tête en l'air

cherche du regard

l'horizon qui m'échappe comme un point,

qui m'échappe à moi,

le rescapé qui réchapperai,

 

moi qui cours après l'horizon

et qui plus je vais,

plus elle me fuit

comme les promesses,

parce que moi, le traversé,

je n'ai pas rendez-vous,

ou alors dans un autre après,

dans un autre moment,

peut-être un moment parfait,

qui m'enfantera

pour autre chose que pour moi-même,

moment-maman d'autre chose que de moi-même,

ou de moi, mais pour autre chose

que pour que je m'aime,

moi qui en ce moment...

 

 

en ce moment où j'écris,

en ce moment où je suis,

suis traversé par le tout fractionné,

suis divisé,

c'est-à-dire multiplié par l'inverse de l'autre,

ce second moi ;

m'entremêle,

m'emmêle,

entre-est,

 

essaie,

si peu que ce soit que d'un moi,

d'aller du moi au toi,

du moi au soi,

du moi à l'en soi,

du moi à l'on de choix,

du moi à l'on de soie,

du moi à la soie de l'on,

à la soie de la relation,

à la soie de la religion,

 

à la religion de la soie,

à la religion de la foi,

à la religion de la foi dans l'autre,

à la religion de la foi dans le Tout Autre,

soit la foi dans le Tout Autre,

soit au moins la foi dans l'autre,

soit à la foi la fois dans l'autre

et la foi dans le Tout Autre ;

 

à la religion de la foi

 dans Celui Que je ne connais pas en soi,

Que je ne connais pas en dehors de moi,

Que je ne connais pas

comme je crois me connaître

ou comme je suis connu en soi

(ou crois l'être)

de Celui d'où je procède,

 

moi qui, d'où je parle,

regarde dans le miroir de l'énigme

et pose en original

la question qui ne l'est pas :

de la fatalité,

de la causalité fatale,

de l'enchaînement des circonstances,

de la duplicité dans la causalité

par où ce qui est cause de ma volonté

est aussi cause de sa fatalité,

 

de la duplicité d'un moi qui se tutoie

et qui s'il est double

et s'il se dédouble,

est habité par un ennemi qui le rudoie,

est en guerre contre lui-même,

contre quelqu'un,

se fait violence,

sépare,

est en lutte à mort en soi,

 

moi qui m'ennuie de la paix,

moi qui dis merde à la guerre,

moi qui m'arrache à tout ça,

à tout ça qui parle en moi,

à tout ça qui tant me brûle,

à tout ça qui tangue,

à tout ça qui tend,

à tout qui Satan...

 

 

Moi qui tendu

en tout endroit

ne sais où tourner mes pas

pour marcher à l'endroit,

ne sais où tourner mes pas

pour choisir

ou pour me convertir,

ni si choisir m'échoit,

et si je n'ai pas chu si bas

que je ne puis si peu

que choisir ou me retourner,

 

que je ne puis si peu,

moi qui sui descendance,

moi qui descends

vers quel instant,

vers quel instance,

vers quel Etant,

vers quel étang où se noie le moi qui tangue,

vers quelle enfance avec ses mots d'enfant

et ses "pourquois...

 

 

C'est toujours moi,

mais pourquoi moi... ?"

 

 

2. L'autre,

 

 

Il y a tant d'êtres

qu'on ne sait par où commencer.

Ils ouvrent tant de chemins,

il y a tant à commenter

 

qu'il faut se choisir un ami

en qui pouvoir s'identifier

ou bien encore un amour

en qui pouvoir disparaître.

 

Mais il y aura des frictions,

car nous n'avons pas les mêmes douleurs,

nous ne sommes pas affligés au même endroit,

nous avons les différends de nos différences.

 

Des courants  alternatifs

nous relient, puis court-circuitent

nos plus belles relations,

aventures d'affection.

 

Nous sommes trop composites

pour ne pas être seuls

et la Solitude, voilà l'Epreuve.

 

Nous n'en sortons que par moments de Grâce

où ce qui déborde en nous,

ce sont des sentiments qui nous dépassent.

 

Il ne nous reste qu'à essayer

de vouloir malgré les érosions

et de faire de chaque journée

une tension de chaque instant

vers l'émotion de perfection,

 

à moins de sangler une carapace

et de combattre sans merci

avec la force de l'Autre

en marchant à la mort

dans une sceptique indifférence,

apparemment.